Antéchrist

L'habit ne fait pas le moine. C'est certain. Ce curieux livre m'a été donné par les mains tremblantes d'une amie. Il faut dire qu'il y avait de quoi frémir : une impression amateur au duplicateur à encre 450 RR Rex Rotary - presque un manuscrit - une illustration de couverture en noir et blanc montrant maladroitement le diable armé d'instruments obscurs. Des mises en garde des auteurs et de l'éditrice sur le côté terrifiant et dangereux du sujet abordé. Deux autres illustrations tout aussi angoissantes. Un auteur et une éditrice de 1980 dont plus aucune trace ne subsiste. Leurs noms formés de seuls prénoms. Aucune trace de l'ouvrage, nulle part.
Bref, ça sentait le souffre.
Et je crois que mon amie était ravie de se débarrasser de l'objet
"Tiens" me dit-elle," ça devrait t'intéresser. Si non, débarrasse-t-en, je ne veux pas de ce truc chez moi"
En fait, je sautais d'une joie enthousiaste et craintive. Etait-ce une sorte d'ouvrage démoniaque et surtout secret ? Y avait-il vraiment danger à le lire ?

Et bien......
Non. Pas du tout!

L'introduction nous apprend qu'il sera question d'ordres et de sociétés secrètes et il est certain que les auteurs ont des comptes à régler avec eux.

Le roman prend des allures plutôt réactionnaires : Les "dégénérescences" seraient originalement liées aux activités des sociétés secrètes.

Est-ce dû au style ampoulé et déjà daté des années 80 ou bien à l'âge de l'auteur, dont je n'ai trouvé aucune trace, mais si l'argument me paraît pertinent, l'intrigue, elle, est naïve au possible.
Il est une façon de s'exprimer en justifiant à l'excès les actions qui me fait presque penser à un roman jeunesse mais imprégné de relans très nauséabonds.

Il y a de très belles pages traitant des sentiments, au style suranné mais beau. Une façon de s'exprimer qui le fait penser au XIX ème siècle.


En fait on se croirait dans une BD de Blake et Mortimer : personnages aux noms mignons, ordinateurs gigantesques, appareils sophistiqués à explorer et formater les cerveaux, machines aux fils multicolores pour interrompre les chaînes de TV et diffuser des slogans, un désintégrateur d'équilibre qui grâce à des ultra-sons permet de faire perdre l'équilibre à n'importe quel homme.

Et finalement, l'intrigue ?
Guérir le mal de notre société par le Mal ou l'antéchrist. Curieux échafaudage qui ressemble à de l'homéopathie. Mais de bien loin. Tout est dans la dilution. Là il n'y en a pas...
La seule chose qui m'a fait résonner est l'affirmation, même en cette fin des 30 glorieuses, que l'argent était la source de tous les maux de l'humanité.

Bon un truc bien cucu, une bande dessinée sans dessin, qui se lit très bien et très vite mais qui laisse finalement une sorte de dégout.
Boah...je m'en remettrai
Mais que dois-je faire de ce livre ?
Le détruire? Ça m'est juste impossible. Un livre ne se détruit pas. L'auteur y a mis tout son élan.
Le filer à quelqu'un ?
Non. Je crois que je vais le mettre dans une boite à livres. Je me demande même si ce n'est pas là que mon amie l'a trouvé.
Peut être trouvera-t-il meilleure chaussure à son pied que moi...