Sauf les Fleurs

La soif de connaître ruisselle de mes poings serrés.

Ici, parler tue moins que là-bas. Abritée derrière mon paravent d'étrangère, j'achète un magazine, entre dan un musée ou commande un soda sans serrer les dents. A la ferme, il fallait mâcher les phrases, peser le pour et le contre, répéter chaque émotion en coulisse avant de sentir. Lorsque nous voulons parler, Papa nous renvoie dans nos cordes et nous freinons les mots de lait qui menacent de pousser si nous ouvrons la peur qui nous guide. Peu à peu, nous devenons muets.

Monsieur le Maire entre dans l'étable, le visage fendu. Me serre contre lui. Articule des regrets, pioche contre tige. Je cours à la cuisine. Maman est allongée par terre, un journal dans la bouche. Papa a tout effacé.

........

Papa est arrêté. Le fourgon s'éloigne de la ferme et nous tournons la tête. Nous pleurons et nous voulons mourir.

Les poètes laissent le lecteur ouvrir lui-même les plis de la phrase, fendre les mots, libérer une à une les images retenues dans leur gangue.

Ce livre très court témoigne d'une grande ambition littéraire.On sent l'auteur pétri de références très solides avec le désir de créer son propre style à la manière des plus grands
Je vais laisser passer le temps et le relire
Après la première lecture, je suis à la fois très heureux de découvrir cet auteur inconnu et un peu perplexe
S'agit-il de l'éclosion d'un futur grand écrivain, d'un grand poète comme Baudelaire ou plutôt Mallarmé ( tant le style et les métaphores sont complexes voire incompréhensibles )
Une nouvelle lecture puis éventuellement un nouveau livre du même auteur nous apporteront la réponse

Quand tu pourras, sois fier de ce que nous n'avons pas reçu et qui nous sert d'épines.

Mme le Juge ne sait pas que l'autre livre est sur mes yeux, entre les choses et mon chagrin, écrit pour dire où je vais, là où personne ne répond.
P69

"Nous connaissons les mailles du corps, comment elles se cherchent et se trouvent pour nous protéger des coups. Nous posons des questions sans réponses, les yeux de Maman nous invitent à ne plus demander.
J'aimerais savoir, pourtant, d'où je viens, de quel amour je suis née, si je serai même une fois l'endroit de quelqu'un."

Je voulais une mère avec des épaules pour poser mes joues brûlantes. Je voulais un père avec une voix pour m'interdire de faire des grimaces à table. Je voulais un chien avec un passé de chat pour ne pas oublier qui j'étais. Je voulais un professeur pour me surprendre. Je voulais des livres pour construire une cabane à la cime des arbres. Je voulais être un homme pour sentir ce que ça fait d'être une histoire.

Puis il dévide sa part enfouie, ma pelote aux aguets pour être tricotée. Il me plaît, je me laisse faire. C'est bon d'être augmentée, une parole à l'endroit, une parole à l'envers.