Je me suis précipité à son chevet. Hormis le pansement sur le côté de sa tête, elle semblait aller relativement bien. Elle n’était pas reliée à tout un tas de tubes, ni rien. Elle avait les manches relevées. Mon regard a été attiré par ce qui ressemblait à une vieille marque de brûlure à l’intérieur de son bras… un unique défaut qui paraissait rehausser encore son physique parfait. Rachel avait les yeux humides.
J’ai eu envie de la serrer dans mes bras, mais je n’ai pas osé. Je suis donc resté planté là, devant elle et j’ai attendu.
- Comment es-tu entré ? m’a-t-elle demandé.
- Spoon a créé une diversion.
Elle a tenté de sourire, mais n’a réussi qu’à fondre en larmes.
- Ma mère…
Je me suis assis sur le lit et lui ai pris la main.
- Je sais. Je suis vraiment désolé.
Elle a laissé retomber sa tête sur l’oreiller et, cillant pour refouler ses larmes, s’est perdue dans la contemplation du plafond.
- C’est ma faute.
- Tu ne peux pas dire ça.
Une montre n’est pas mon père, une bague n’est pas mon père, aucun de ces objets ne pourra me consoler.
Mais ce jour là, devant la tombe de mon père, alors qu’il me manquait au point que j’aurai voulu m’arracher le cœur, je ne ressentais que peu d’émotions. Pourquoi ? Pourquoi je ne suis pas dévasté devant cette sépulture où repose mon père ? Et une petit voix m’a murmuré : parce qu’il n’est pas ici …
Quelque part en ce monde - en Chine, en Inde ou dans une contrée reculée d'Afrique -, il existait probablement pire crétin que moi. Mais je n'en aurais pas mis ma main à couper.
Quand vous criez "je bosse", les parents vous laissent toujours tranquille. Ça marche aussi bien qu un cricifix brandi devant un vampire.
A trop entreprendre, on risque de tout perdre.
Grand-mère s'est précipitée vers nous, les bras grands ouverts, et nous a étreints comme si nous étions deux innocents venant de purger à tort une peine de prison - c'est-à-dire comme le doit une grand-mère.
Rien de plus efficace que le verbe bosser pour se protéger d'un tuteur indésirable. Quand vous criez "je bosse!", les parents vous laissent toujours tranquille. Ça marche aussi bien qu'un crucifix brandi devant un vampire. (Page 156)
Tu sais ce que c’est, un facilitateur ?
Je le savais : c’est quelqu’un qui aide une personne qu’elle aime à agir de manière destructrice. D’un certain côté, Ema n’avait pas complètement tort. Je cherchais des excuses à ma mère.
On sauve qui on peut et on pleure les autres. Quand on suit cette vocation, on a le cœur brisé tous les jours. On rend le monde meilleur par petites touches, pas par de grands desseins. On fait des choix.