Par quoi commencer ? Tant les ressentis différents m'assaillent alors que je viens de tourner la dernière page de ce roman offert par Masse Critique Privilégiée et les Editions Belfond, que je remercie de m'avoir permis de découvrir le premier roman de
Sara Collins.
L'auteur nous y tient rapidement captif en nous passionnant pour ce psycho-drame comme nous le découvrirons à travers ce turn-over dans lequel nous entraîne Frannie, la supposée meurtrière. La question initiale est: le doute est-il possible ? Ne l'a-t-on pas retrouvée couverte de sang dans le lit de sa maîtresse ? Dire qu'elle ne sait pas ce qui s'est passé est-il un argument de défense ? Est-elle victime d'une manipulation ? Il ne faut pas oublier que Frannie est une mulâtresse, fruit d'une relation entre un maître et une de ses esclaves, et dans le contexte historique les "noirs " sont considérés comme des sauvages.
C'est d'une manière très subtile que
Sara Collins va appréhender tout un panel de sombres thèmes tels que l'esclavage, la condition féminine,la servitude, le colonialisme, l'ambiguïté du comportement des abolitionnistes, les expériences et les recherches anthropologiques, le racisme, le délit de faciès, l'homosexualité, l' intolérance, toujours tristement contemporains pour certains.
Comment alors, Frannie Langton, ancienne esclave, mulâtre de surcroît, peut-elle trouver sa place dans un monde régit par les blancs ? Oui, comment le peut-elle alors qu'être une femme est déjà un handicap ? Et l'on ne peut nier que Frannie les cumule les handicaps, et être instruite n'en est qu'un de plus dans ce contexte historique. Étonnant non ?
J'avoue que parfois l'enchevêtrement des sujets traités, m'a un peu perdue parfois, tout en enrichissant ma culture personnelle à d'autres. Il en est de même pour la complexité des personnages et je n'ai pas trouvé totalement les réponses à certaines situations empreintes de mystère. Pour d'autres le doute persiste.
Ce roman ne laisse pas indifférent, ils suscite tant d'émotions alors que l'on s'attache à Frannie et que l'auteure nous pousse à des questionnements sur la notion de liberté, sur les choix de chacun, sur la manipulation et les erreurs de jugement, les interprétations personnelles d'une même situation.
Le personnage de Meg quant à elle reste assez et énigmatique. Elle suscite à la fois compassion et colère pour l'ambiguïté de son personnage, sa façade de femme libre qui reste, pour des raisons terre à terre, assujettie à son mari. Dans cette demeure tous les membres sont esclaves de quelqu'un. Y compris Mr Benham, à une autre échelle dirai-je.
C'est au terme de cette lecture que le lecteur pourra présumer estimer connaitre Frannie à travers les images qu'elle nous renvoie à travers son récit, et encore ce n'est pas un certitude, tant elle ne dévoile qu'à demi-mots certains éléments de son passé et je dois admettre qu'il reste pour moi quelques zones d'ombres. Je le déplore un peu, tout comme le fait que je n'ai pu mettre un âge sur nos personnages.
Malgré tout ce roman nous tient en haleine jusqu'au dénouement, passionne et intrigue. Un auteur à découvrir.