Frannie Langton va être jugée par un tribunal anglais pour le meurtre sauvage de ses employeurs, George et Marguerite Benham...Nous sommes en avril 1826. Elle a été retrouvée dans le lit de Mme Benham, à ses côtés, les mains pleines de sang. Elle sait qu'elle va être condamnée à être pendue, même si elle ne se rappelle pas ce qui s'est passé. Aux yeux de tous, elle devient la "négresse meurtrière"...bien qu'elle soit mulâtre.
Oui, Frannie est une "négresse", on ne disait pas encore "une Noire", une vulgaire marchandise qui dira d'elle : "Toute ma vie on m'a appris que les corps noirs n'ont aucune valeur, mais un prix supérieur à celui des rubis".
Frannie raconte sa vie, son enfance en Jamaïque à Paradise, la plantation de canne à sucre de Langton, son maître qui lui donna son nom. Elle était domestique, un peu plus haut placée dans la hiérarchie des nègres qui y travaillent que les esclaves qui cultivent les cannes. Elle avait même appris à lire, ce que les autres nègres étaient incapables de faire. Elle adore lire, surtout Candide. Langton l'a faite venir avec lui en Angleterre et l'a offerte à Benham...sans état d'âme comme un vulgaire cadeau !
Langton et Benham se connaissent depuis longtemps, et mènent ensemble des recherches qui passent à leurs yeux pour "scientifiques", qui font froid dans le dos, et indignent le lecteur. Je n'en dirai rien, je vous en laisse la surprise.
Après tout, ces nègres ont-ils une âme, ne sont-ils pas fait pour travailler ? Langton et Benham n'hésitent pas à affirmer : "Le nègre est heureux de servir. Il est né pour ça. les nègres n'ont jamais produit de génies, et attendre de leur part du génie ne serait que source de malheur. Ils sont aussi différents de nous que les chiens le sont des vaches. Il faut donc permettre au nègre de faire ce qu'il est heureux de faire, car le libérer n'aurait d'autre effet que de lui faire entrer le démon dans la tête."
Leur noirceur ne touche-t-elle pas également leur âme ?
Révoltant. le lecteur passe d'une surprise à l'autre, d'une turpitude à l'autre, et navigue au fil des souvenirs de Frannie ou Frances d'indignation en indignation, depuis la condition des femmes jusqu'à celle des noirs, des esclaves.
Le juges quant à eux seront vraisemblablement indignés parce que Frannie et Marguerite Benham, épouse abolitionniste et d'origine française de Benham, s'aimaient. Ces amours contre nature ne plaident pas en faveur de Frannie. Comment aurait-elle pu lui faire le moindre mal? Toutes deux chassant peut-être un mal de vivre utilisaient souvent le laudanum, l'opium.
Frannie nous conte ces dernières années depuis 1812, ces années en Jamaïque, puis en Europe, les expériences de son maître, ce que ses yeux virent, ce qu'on lui imposa de faire, d'écrire.
Alors surtout, ne commencez pas cette lecture sans lire les deux petites pages de note de l'auteure. Sara Collins s'est appuyée sur des histoires vécues, sur des lectures qualifiées de scientifiques lors de leur parution, sur des archives de procédures judiciaires qu'elle mentionne.
Très beau premier roman !
Frannie écrit : "Dans tous les hommes il y a de la cruauté. Ceux que nous considérons comme bons sont ceux qui prennent la peine de le cacher."
À méditer !
Un très grand merci à Babelio et aux éditions Belfond, qui m'ont offert cette lecture et ce plaisir dans le cadre d'une opération "Masse critique privilégiée".
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