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sur 1295 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Lu il y a longtemps, ce roman m'a marquée par les sensations, le style puissant, le rythme de la remontée du fleuve : un incontournable.
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Un bateau sur la Tamise, et Conrad nous régale depuis le début de sa prose unique « le jour finissait dans la sérénité exquise d'un éclat immobile ». Marlow, un marin, commence à parler aux autres, et rappelle que l'Angleterre a été aussi « l'un des lieux ténébreux de la terre » et que les Romains y avaient connu le froid, le brouillard, les tempêtes, la maladie, l'exil et la mort, pas de vin mais l'eau de la Tamise, rien qui convienne à un peuple civilisé, sauf la solitude qui s'agite dans la jungle des marécages. Marlow parle de son voyage initiatique le long du fleuve Congo: Tout petit il avait décidé d'aller dans les pays restés en blanc sur les cartes de son enfance, espaces qui entre temps s'étaient remplis de rivières, de lacs et de noms, et devenus des lieux de ténèbres, comme l'Angleterre pour les Romains de l'époque de César. Les ténèbres ne sont pas géographiques, mais liées au développement inégal de l'humanité. Après un recrutement dans une compagnie française dont Conrad décrit « la maison aussi silencieuse que la maison des morts »il arrive en Afrique Equatoriale, après avoir vu les derniers humains normaux, des noirs, et note « qu'apparemment les Français faisaient une de leurs guerre » bombardant la brousse depuis leur navire, tirant contre un continent, avec toute l'absurdité d'une farce sordide. Cette forfaiture devient morbide, lorsque Marlow débouche dans la vallée des morts et moribonds : comment ne pas voir, au delà du cynisme et de l'ironie, une diatribe féroce contre les européens. Conrad a fait le voyage au Congo, avec un bateau belge et c'est donc un récit presque autobiographique. C'est aussi un conte oral dans un bateau d'une aventure hors norme sur un autre bateau. Un belge habillé de blanc immaculé apparaît, et c'est la deuxième allusion au blanc, la première étant les blancs de l'Atlas. Puis Conrad parle des brouillards blancs qui empêchent la navigation. Dans les trois cas, le blanc est soit une zone qui n'existe pas, soit un paraître hors de son contexte, soit un inconvénient majeur. le belge lui parle de Kurtz, un héros, et ce personnage que nous verrons dans ses dernières heures de sa vie devient le but du voyage pour Marlow, qui découvre par ailleurs le monde du trafic d'ivoire, contre lequel les marchands échangent de produits manufacturés, des rouleaux de cotonnade camelote, des fils de cuivre. L'abominable trafic avec la façade d'une noble mission. Marlow qui a connu le démon de la violence, celui de la convoitise, celui du désir est frappé de voir l'asservissement d'hommes fait par d'autres, avec toute la sottise rapace et sans pitié que cela comporte. Voilà les ténèbres, non seulement celui de la grande jungle, mais aussi celui du coeur de ces colons venus juste gagner de l'argent en en faisant mourir d'autres. Les chercheurs d'or, voleurs sans sens moral, sordides boucaniers, sont pour Marlow / Conrad (même si ce dernier s'est essayé à la recherche de l'or) « insouciants sans hardiesse, avides sans audace, cruels sans courage ». de plus les noirs sur le bateau ne sont pas nourris, on leur donne seulement un peu de fil de cuivre, pour pêcher ou se pendre. Pas étonnant que le cannibalisme sévisse, quand on connaît la torture de la faim. Nous plongeons dans l'intérieur de la forêt vierge du Congo, en suivant le grand serpent du fleuve. Les pages de Conrad m'ont rappelé, par ses descriptions sur la nature exubérante digne de la création du monde, avec toutes les angoisses que génère une terre préhistorique, remplie de dangers, de bruits insolites qui font sursauter, de pourriture de la mangrove et d'éclatement luxurieux de la nature, exactement la grande forêt vierge équatoriale. Expérience unique, cette entrée dans les profondeurs, dans le coeur des ténèbres, j'en ai aimé le lyrisme et le rendu de la petitesse de l'homme dans cette explosion végétale. Sauf qu'aucun animal, que l'on rencontre inévitablement en Afrique centrale, n'est noté. Nous sommes bien dans un conte, pas dans une réalité, et pourtant Conrad réussit par magie à nous donner l'essence de la forêt.
Alors, Kurtz ? Fou ? détraqué surement. le meilleur de tous les chercheurs d'ivoire…. Mais à quel prix ? mettre les indigènes à genoux, dresser des piquets avec des têtes humaines devant sa case, demander et obtenir la plus absolue dévotion de la part des noirs. Si la grande forêt révèle à Marlow son appartenance aux premiers âges de l'humanité, surgissement des forces brutales qui le possèdent, Kurtz semble possédé « le milieu sauvage lui avait murmuré sur lui même des choses qu'il ne savait pas …. et l'avait attaché à lui âme contre âme par les cérémonies inimaginables de quelque initiation diabolique ». Ne jugeons pas moralement Kurtz, ni l'attitude de Marlow, ni donc Conrad, même si l'acceptation de Kurtz par Marlow ne correspond pas à ce qu'il a dit au cours de son récit. Car Kurtz est un être creux, « misérablement enfantin »qui annone des choses sans intérêt, un peu come Marlon Brando dans Apocalypse Now. Mais Conrad, lui, nous offre un voyage initiatique au fond des ténèbres qui sont au coeur de la grande forêt, et aussi dans le coeur des hommes. Peut être veut il nous dire aussi que la vérité que l'on cherche ne se trouve pas forcément, et que l'initiation est ailleurs ?
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Un écriture luxuriante, épaisse, sombre comme une jungle inaccessible et mystérieuse. J'ai du mal à croire que ce regard si moderne sur notre folie humaine émane de l'année 1899. C' est une oeuvre que l'on ressent vécue de l'intérieur et qui ne livre pas tous ses secrets.
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« Au coeur des ténèbres » a, depuis sa publication, fortement frappé les esprits et nombre d'artistes ont proposé des variations de cette oeuvre, que ce soit au cinéma ou en littérature, la plus connue étant bien sûr le « Apocalypse now » de Coppola. C'est justement ma récente lecture d'une variation de l'oeuvre de Conrad, « les profondeurs de la terre » de Silverberg, qui m'a donné envie de relire « au coeur des ténèbres ». Ma première lecture du roman remontait à bien longtemps, une quinzaine d'années, mes souvenirs du déroulé de l'intrigue étaient assez flous. Par contre, me restaient de cette lecture des sensations intenses, étouffantes, qui avaient durablement marqué mon esprit. Après cette seconde lecture, le roman de Conrad m'apparait encore plus comme un chef d'oeuvre absolu. Ce roman très court compte moins de 200 pages mais en parait deux fois plus. Non parce qu'il serait ennuyeux, il ne l'est pas, mais par sa consistance, sa richesse, tant sur le fond que sur la forme.

Plus largement qu'une charge contre la colonisation, le roman est une dénonciation des rapports de domination. A l'époque où se déroule le récit, le Congo n'est pas encore une colonie belge. Si le roi des Belges, Leopold II, exerce une souveraineté de fait sur ce territoire, c'est à titre privé, par l'entremise d'une société belge dont il est l'actionnaire principal qui est propriétaire d'une vaste partie du territoire et en exploite les richesses, ivoire et bois. Dans la façon dont l'auteur dépeint comment une compagnie privée peut s'accaparer des richesses et exploiter honteusement les populations locales, il n'y a pas à pousser très loin pour y faire le parallèle avec les dérives du capitalisme.
A cette dénonciation de l'avidité humaine, s'ajoute celle, encore plus forte, de la nature cruelle de l'Homme. le vernis de la civilisation n'est qu'un leurre, les ténèbres sont tapies dans le coeur de chacun, n'attendant que l'occasion pour reprendre le dessus. L'Homme occidental laisse libre cours à sa cruauté sans l'assumer, sa cruauté est hypocritement drapée dans les oripeaux de la volonté de civilisation du sauvage. Finalement, Kurtz qui s'est laissé dévorer par la jungle et qui est allé au bout de la folie n'est-il pas moins méprisable que tous ces Comptables et Directeurs ? Ces derniers ne sont d'ailleurs jamais nommés, ils se résument à leurs fonctions comme s'ils n'étaient même plus des êtres de chair et de sang. Au contraire de Kurtz dont l'âme est tourmentée mais qui, lui, en a une, ce qui lui permet un dernier éclair de lucidité L'autre personnage incarné du récit est Marlow, dont la fonction de témoin, d'observateur, en fait l'alter-ego du lecteur.

Rarement la jungle a été si bien dépeinte, prenant littéralement vie sous la plume de Conrad. L'auteur lui insuffle une personnalité envoûtante, inquiétante, si fascinante et insaisissable quelle transforme les Hommes qui lui sont étrangers. A la fois mère et maîtresse, elle peut consoler, aimer, mais aussi tuer ou rendre fou. Tantôt nourricière, tantôt meurtrière, elle est à la fois enveloppante et étouffante et toujours d'une beauté primitive, celle des origines. L'Homme dit civilisé prétend prendre possession de cette Nature sauvage, vanité qui ne peut que le perdre, physiquement et moralement. Ainsi, nombreux sont les membres de la compagnie à connaitre la maladie ou à perdre l'esprit.

Sur la forme, ce texte est d'une richesse infinie. Tout au long du récit, l'auteur utilise des jeux de correspondances, de rappels, de comparaisons qui offrent de nombreux axes de lecture.
Par de fines descriptions, Conrad fait appel aux sens du lecteur qui ressent la moiteur, l'exubérance de la forêt qui l'entoure. La lecture du « coeur des ténèbres » est très sensorielle.

« Au coeur des ténèbres » est un roman inconfortable à plus d'un titre, notamment dans la façon de refuser au lecteur une compréhension totale de ce qui se déroule. Beaucoup d'éléments restent finalement mystérieux, opaques, que ce soient des événements ou des personnages. le lecteur n'aura pas d'explication définitive. Lui est laissé le soin d'interpréter le périple de Marlow à la lumière ce qu'il comprend de la nature humaine. C'est comme si le sens véritable des choses restait dans l'obscurité de la jungle. Comme le mystère de la nature sauvage, il échappe à une compréhension absolue. le sens profond, on le pressent, on le devine, sans toutefois pouvoir en saisir l'entièreté.

A l'image de la nature dépeinte, l'écriture est envoûtante. Sombre, poétique, la plume est teintée d'une ombre de mystère comme la jungle est nimbée de brume.
Certains passages sont fracassants de beauté tant dans ce qui est évoqué que dans la façon de le faire.

Cette seconde lecture de cet immense roman n'est sans doute pas la dernière tant je suis certaine que je pourrai encore et encore y découvrir des beautés, des horreurs, en tout cas de la grandeur.
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Les gens qui n'aiment pas Conrad et particulièrement "Heart of Darkness", ne méritent pas la littérature et devraient être fouettés en place publique.
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Superbe roman noir, très noir, qui nous emmène dans une aventure au fin fond de l'Afrique sauvage à la fin du XIX siècle. Après une introduction qui nous raconte comment Marlow, jeune officier anglais en quête d'aventures, s'engage avec une compagnie maritime pour prendre le commandement d'un vieux vapeur au Congo.
Joseph Conrad plonge le lecteur dans la jungle, le long de la remontée du fleuve Congo dans laquelle s'est engagée Marlow sur les traces de Kurtz, le directeur du comptoir belge, meilleur pourvoyeur d'ivoire de la compagnie et qui ne donne plus de nouvelles depuis des semaines.
Des fonctionnaires corrompus, des trafiquants d'ivoire, des autochtones anthropophages, des « sauvages » hostiles, le fleuve lui-même. Ici tout est empreint de noirceur, de sauvagerie dans une atmosphère moite, oppressante, envoûtante, où le temps du roman nous devenons Marlow, ressentant ses peurs, sa fascination, son respect pour ce monde vivant hors du temps où l'homme blanc n'a pas sa place. Un excellent roman !
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C'est un des tout grands classiques de la littérature anglaise, écrit en 1899, au début de l'ère coloniale, quand le Congo était propriété personnelle du roi Léopold II. Ce récit des premiers blancs venus pour exploiter le pays en remontant le fleuve et qui perdent complètement les pédales (le roman a inspiré le film Apocalypse Now de Francis Ford Coppola qui a transposé l'histoire pendant la guerre du Vietnam) est souvent abordé sous un angle psychologique, mais peut aussi être lu comme la dénonciation des excès du colonialisme.
Pourtant ce livre, peut-être à cause de son titre, sans doute aussi parce que les populations congolaises n'y jouent qu'un rôle de figurants, a contribué à donner à l'Afrique, et au Congo au coeur de celle-ci, l'image d'un continent inaccessible, sombre, sauvage où l'homme blanc civilisé perd ses repères et la raison.

Lien : http://www.lecturesdevoyage...
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Au cours de mon exploration de l'oeuvre de Paul Auster, je suis tombée sur un article qui comparait Moon Palace à ce livre de Joseph Conrad. Je l'ai acheté et mis de côté le temps que je me décide à relire Moon Palace et finalement c'est Robert Silverberg qui m'a décidée ^_^

Pour le challenge auteur consacré à Robert Silverberg je vais lire Les profondeurs de la terre qui selon la 4ème de couverture serait un hommage à ce même livre de Conrad. L'affaire était donc entendue…

Marlow (le personnage principal) raconte son voyage au Congo à la fin du 19ème siècle (le livre a été écrit en 1899) afin de prendre la relève d'un certain Fresleven qui y a trouvé la mort. A cette époque, c'est l'ivoire qui est au centre de toutes les convoitises.

Marlow entend régulièrement parler d'un certain Kurtz qui le fascine de plus en plus. Avec son équipage, Marlow doit aller le récupérer en remontant le fleuve Congo. L'homme est mourant et au final

L'histoire en elle-même n'est pas exceptionnelle et pourtant le livre l'est. Joseph Conrad a une écriture vraiment profonde et il a l'art de la description et de la métaphore. L'histoire n'est qu'un prétexte pour dénoncer le colonialisme (exploitation, maltraitance, …) et pour montrer ce que l'homme détruit (vies, nature, …) pour le profit.

Pour info, j'ai lu l'excellente traduction de Catherine Pappo-Musard.
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Superbe histoire ! j'ai pu le découvrir dans le cadre de mes études en classe préparatoire , je peux vous dire que je me suis régalé !
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Classique de la littérature anglaise du début du siècle dernier, Au coeur des ténèbres fait partie de la longue liste des livres que je veux lire depuis des années sans jamais le faire, me laissant distraire par les dernières sorties.
Voilà qui est enfin fait et j'ai envie d'écrire "Mais pourquoi donc ai-je autant attendu?"
Une oeuvre forte, à l'écriture envoutante, ce roman assez court sur le mal qui se cache en chaque homme, sur la descente dans l'horreur dont chacun est capable.
La longue remontée du fleuve Congo sera l'occasion pour le narrateur, jeune marin anglais inspiré par l'expérience de l'horreur, d'entrer dans le fond des ténèbres infinies, tandis qu'il est confronté à la violence, au mépris, à la corruption, au colonialisme et à la vision d'un homme intelligent que la solitude et la jungle ont forcé à regarder au fond de ses propres ténèbres.
Un grand livre.
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