Citations sur Sous les yeux de l'Occident (27)
L'illogisme tient aux nécessités profondes de l'existence, à nos terreurs secrètes et à nos ambitions mal avouées, à notre foi en nous, à laquelle se mêle une secrète méfiance de nous-mêmes, à l'espoir que nous caressons et à l'appréhension des jours incertains.
Il n'est pas nécessaire de croire en une source surnaturelle du mal . Les hommes sont , par eux-mêmes, capables de toutes les méchancetés .
« Oui, je dois partir demain. Mes yeux sont ouverts enfin… et mes mains libres… Quant au reste… est-il un des nôtres qui puisse n’entendre pas le cri étouffé de notre profonde détresse ? Le monde, lui, peut bien s’en désintéresser… »
« Le monde s’aperçoit plutôt de la discordance de vos voix », dis-je. « Voilà ce qui l’intéresse. »
« C’est vrai ». Elle baissa la tête, en manière d’assentiment ; puis, après un instant d’hésitation : « Je dois vous avouer que je ne renoncerai jamais à attendre le jour où toute discorde s’apaisera. Songez seulement à l’aube d’un pareil jour ! C’en est fini de la tempête, des coups et des haines ; tout est paisible ; le soleil nouveau se lève, et unis enfin, les hommes las prennent conscience de la fin de leurs luttes et connaissent la tristesse de leur victoire ! Tant d’êtres ont péri pour le triomphe d’une idée ; tant de croyances les ont laissés en route… Ils se sentent seuls sur la terre, et se serrent les uns contre les autres. Oui ! il y aura bien des heures amères ! Mais l’angoisse finira par être submergée au fond des cœurs, sous les flots d’amour. »
Dans une vraie révolution, ce ne sont pas les plus belles figures qui se montrent au premier plan. Une révolution violente appartient bien vite aux fanatiques étroits et aux hypocrites tyranniques. Après eux se montrent tous les prétentieux ratés intellectuels de l’époque. Ce sont les chefs et les meneurs. Notez que je ne parle pas des vulgaires coquins. Les natures scrupuleuses et justes, nobles et dévouées, les généreux et les intelligents peuvent mettre en branle le mouvement, mais ils sont vite dépassés : ils ne sont pas les chefs de la révolution, ils en sont les victimes, victimes du dégoût, du désenchantement, souvent du remords. Leurs espoirs hideusement trahis, la caricature de leur idéal, telle est la définition du succès révolutionnaire. Il y a eu des cœurs brisés par de tels succès, à la suite de chaque révolution…
Je tourne, pour la centième fois, les pages du journal de M. Razumov je le mets de côté ; je prends ma plume… et ma plume, au moment d’écrire, hésite. Car le mot qui s’impose à elle, avec persistance, n’est autre que le mot « Cynisme ».
Et c’est bien en effet le terme caractéristique de l’autocratie comme de la rébellion russes. Dans son orgueil des nombres immenses, dans ses étranges prétentions à la sainteté, dans son acceptation des souffrances et de l’abaissement, l’esprit russe est un esprit de cynisme. Il modèle les déclarations des hommes d’État, les théories des révolutionnaires, les vaticinations mystiques des prophètes, au point de faire de la liberté une sorte de débauche, et de donner un aspect d’indécence réelle aux vertus chrétiennes elles-mêmes.
C'est un plus grand crime de maintenir en vie une idée mensongère que de tuer un homme .
Donner sa vie pour la cause, cela n’est rien. Mais voir détruire ses illusions, c’est chose presque intolérable.
Ne comptons pas sur une réforme impossible : il n’y a rien à réformer ! Il n’y a, chez nous, ni légalité, ni institutions. Il n’y a qu’une poignée de fonctionnaires cruels… peut-être simplement aveugles, contre une nation.
Et aucune femme ne doit rester assise sur le seuil… Les fleurs, les larmes, les applaudissements appartiennent au passé : c’est une conception moyenâgeuse. L’arène, c’est dans l’arène que les femmes doivent descendre, de nos jours !…
Il n’y a vraiment, dans tout le domaine des sentiments humains, aucune joie ou aucun chagrin que la femme ne sache comprendre, anoblir et spiritualiser par son interprétation.