« L'écorchage d'un visage n'est guère chose aisée. de nombreux praticiens prétendront détenir la seule méthode qui convienne à ce genre d'opération. Soulever la peau, l'arracher des muscles, la tirer comme une fragile pelure en une pièce unique, la décolleter de sa chair, est un art. Car c'est un masque souple, presque translucide, que vous devez soustraire du tissu conjonctif, non un vulgaire épicarpe blet. La subtilité réside dans le choix des premières incisions à effectuer… En ce qui me concerne, je dois procéder rapidement. le sujet est encore vivant lorsque je l'opère… »
François Ier va sur ses vingt-cinq ans lorsque
Léonard de Vinci, son ami et père spirituel, meurt. Une nuit, presque clandestinement, il arrive aux portes de l'abbaye cistercienne de Vauluisant en Bourgogne, où le père abbé l'attend. le monarque a un paquet a lui confier. Au secret, dans une pièce, il déballe avec soin une oeuvre du grand Vinci, car avant de la coffrer pour longtemps, il tient à lui montrer le panneau de bois peint qu'il devra protéger des regards. Fébrilement, il révèle à l'homme de Dieu la peinture…
L'horreur et le dégoût sont les sentiments primaires qu'elle inspire. Cependant, avant de partir, François souhaite confesser une histoire. Elle est de celle qu'on chuchote, qu'on pleure, qu'on abhorre et qu'on pardonne pour la paix des âmes.
« Je suis né le jour où l'on découvrit la première victime du voleur de visages ! »
En 1494, François 1er naît en Charente. de l'autre côté des montages, en Italie, à Milan, l'hiver a recouvert le pays de neige et de glace. Dans le canal Martesana, un corps à moitié dévêtu flotte, la face dans l'eau. le prévôt et son lieutenant sont suivis dans leurs gestes par le peuple curieux qui ricane de leurs effort pour dégager le cadavre de la glace. Lorsque celui-ci est libéré de l'emprise et que le corps se retourne, le nom du Seigneur est clamé dans une litanie… « Nom de Dieu ! Nom de Dieu de nom de Dieu ! ».
La face est vidée de ses chairs, les yeux toujours dans leurs orbites demandent au ciel pitié, les muscles faciaux noués crient la souffrance, l'agonie les a saisis.
C'est un petit vagabond qui donnera l'identité du macchabée, Maître di Rodrigo.
Témoins de la scène, un homme et une femme laisse le décor macabre et s'en vont vers le palais ducal dans la Corte Vecchia, paisiblement. Il est doux, prévenant, il protège la petite silhouette encapuchonnée qu'il appelle « Mon amour », contre son corps massif et sain. Elle, fragile, a dans sa voix de la vénération lorsqu'elle prononce son prénom, « Léonard ». Elle est son ange, il est sa vie.
Dans son atelier,
Léonard de Vinci taquine son élève Salaï, lorsque le prévôt requiert son assistance pour commenter de façon légiste le crime commis.
On dit qu'un monstre volant sème la mort. Noir comme une chauve-souris, il plane sur les toits la nuit. de Milan, à Venise, à Florence, il dépèce ses victimes et repart avec la soie translucide de leur visage. Cette peau qu'il collectionne et qu'il cache dans une armoire…
Un ange se venge et le tortionnaire n'a pas de miséricorde pour rendre son châtiment.
» – Grâce…
Un craquement le surprend. Cela ressemble à du bois brisé sous un coup de hache.
Un temps.
A peine deux seconde abominable que ce sont ses côtes qui viennent de se rompre. La pince de crabe a déchiré tunique, chair, muscles et os pour crever la cage thoracique. Elle fourrage maintenant dans son corps béant.
Antonio Draguere devrait mourir ; il saisit, dans une terreur gluante, que son agresseur connaît parfaitement l'anatomie interne humaine et qu'il se complaît à le maintenir aux lisières du trépas, dans un insupportable tourment, dans un cauchemar ignoble, tranchant boyaux et tripes, perçant l'estomac, mâchurant le foie… »
« La Renaissance aux murs tachés de sang… » Ce thriller relate ses détails de façon horrible. Les scènes sont éprouvantes. Etrangement, l'auteur, dans un style épuré, simple, fort élégant, raconte une histoire effroyable et dévoile dès la première page l'artisan des crimes qui oeuvre avec art même dans la précipitation. Ce mystère divulgué n'enlève rien à l'énigme. On connait l'homme qui tient le scalpel, mais on ne dit rien du mobile. Là encore, on se doute, mais l'histoire se lit comme une tragédie romantique, gothique et fantastique et pas simplement comme un polar. Chronique des morts annoncées… j'ai essayé de prendre du détachement dans les moments noirs. L'assassin tient un journal et il retrace les faits avec précisions comme il le fait dans ses esquisses. Autre que ce scénario, il y a la vie de Léonard de Vinci, son entourage historique et fictif, sa famille, la présence de Mona Lisa, et les villes italiennes sous le Quattrocento. L'auteur entretient l'ambiguïté des personnages et invente son histoire.
La fin, mettant en scène le limier et son criminel, est très intéressante.
Intouchable, le génie place la justice des hommes hors de ses limites.