Le procès du cochon

Le chignon noir, les tremblements, les pleurs aussi et la voix qui chute, font résonner dans la salle les notes de l'effroi, ces musiques de mort qui coulent dans nos têtes sans qu'on les entende, jusqu'à ce qu'un geste, un cri les réveillent. La douleur se répand comme une lave - la montagne explose et nos corps brûlent.

On leur prépare un spectacle, qu'ils comprennent bien qu'ils n'ont pas intérêt à faire pareil, que nos foudres brûlent et que nos lames tranchent.
On les mettra au premier rang et ils verront.

A l'école, on s'est un peu moqué d'elle. Elle n'a jamais été très populaire. Elle travaille normalement, sans s'acharner. Parfois, elle se jette au cou d'un autre petite fille pour l'embrasser mais des gestes durs la repoussent. On lui tire les cheveux, on la gifle. Avant les disciplines, les horaires et les bonnets d'âne, voilà le premier dressage.

Elle pensait que la mort n'arrivait que dans les coins sombres.

Bernard Lavidier passe le relais aux quatre enfants. Ils ont été coiffés, habillés comme des communiants. Ils n'en mènent pas large. Tu vas rencontrer le juge et des avocats. Tu seras poli, tu répondras à leurs questions. N'aies pas peur, tu diras simplement ce que tu as vu.
Aussitôt que l'on demande à des enfants de ne pas avoir peur, le mécanisme de la crainte se met en marche. Après le maton en chef, ils paraissent bien fragiles. Les petites jambes vacillent. Ils préféreraient encore être en classe, c'est dire.
Le président les guide.

On ne savait rien, ni son nom, ni son âge. On l'inspecta - pas de tatouages, pas de signe distinctif. On tenta ensuite de l'étiqueter comme on pouvait. Il n'était pas agressif. Aucune rage. C'était un peu déroutant. On aurait préféré qu'il se révolte et qu'il s'épuise, pouvoir le violenter et le contraindre, mais il semblait absent aux choses. Il en disait jamais non; il ne disait jamais oui non plus.
Comme le veut la procédure, on l'envoya en détention.

Ceux qui sont déjà assis prennent leurs aises. Ils retirent leurs manteaux et leurs gants. Ils sortent parfois du pain, du fromage ou des gâteaux secs. On lit sur leurs visages la fierté singulière de ceux qui ont su prendre leurs précautions. Tout autour, les empotés s'agitent.

Il était si intimement persuadé de sa supériorité, d'une façon si brute, si nette, que les autres, immédiatement, y croyaient à leur tour. Il suffit parfois de dire quelque chose très haut pour que son public y adhère. A l'inverse, confesser ses doutes, quand on crée, ce n'est jamais bon pour les affaires - on ouvre une brèche, les autres y jugent.

Il semble un peu serré dans ses vêtements. Il a les mains violettes, comme si les manches de sa chemise n'y laissaient plus passer assez de sang.

On sent la fatigue tordre le dos des juristes. Que l'on travaille dans une cour ou ailleurs, la journée vous écrase les épaules. Les têtes, les gorges se tirent et se tendent en avant. Avec la paume, on se retient le front.