« Voilà les preuves : le croqueur a été trouvé dans les bois, juste à côté de la maison. Du sang coulait encore à la lisière de ses gencives. Quand on l’a arrêté, il n’a montré aucune résistance, il avait les yeux vides. Il ne s’est pas révolté. » (p. 30)
Un esprit littéraire sentirait ici l'odeur du sang.
Il n'y a pas d'arbres et peu d'enfants.
Attrapez-le vivant ; on le tuera ensuite.
Dans le voisinage, on ne lui serre pas la main. Il y a une superstition à ce sujet. Avant d'être un homme, Jean est un bourreau. Il n'est pas question, alors, de passer sans trace. Des fonctions comme celle-là laissent des empreintes. On est souillé. On promène avec soi les perles de la mort.
Les bruits des taulards, ils ne s'y étaient pas faits, non, mais ils les laissaient couler comme on accepte, enfant, de voir que les cailloux entassés avec sagesse ne retiendront jamais le cours de la rivière. Il faut souvent s'avouer vaincu.
L'escorte du criminel s'était passée sans encombre. On avait fait vite, pour éviter les foudres de la foule. On ne sait jamais ce qui peut arriver, des glaviots ou des pierres, de revolver ou des mouvements de masse. On apprend ça pendant la formation - un gendarme doit aussi canaliser les vengeances.
Certains cris tranchent le monde.
Il s'est habitué aux petites cruautés. Son corps s'est fermé aux blessures. Qu'est-ce qu'une cicatrice supplémentaire si personne ne la regarde ?
On mange, on boit, on rit en attendant [la pendaison]
Christian reste fidèle à ce qu'il est [...] les tissus gras, les mailles épaisses et huileuses se font souvent l'uniforme de ceux qui se sentent investis par l'esprit, comme s'il s'agissait d'être au-delà du corps. Il faut bien montrer qu'on est d'abord un esprit.