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Critique de jvermeer


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« Un art érotique »
le pastel stimule l'oeil et en appelle aux autres sens. de ce fait, selon l'écrivain Ernst Jünger, il repose intrinsèquement sur « la valeur tactile de la couleur, une sensation d'ordre épidermique évoquant la pensée d'un contact ».

Les pastellistes ont un rapport privilégié, presque sensuel, avec la technique du pastel, ces petits bâtonnets cylindriques composés de pigments en poudre amalgamés par un liant. Léonard de Vinci fut l'un des premiers à utiliser ce « mode de colorier à sec ». Cette technique propre est d'une grande facilité de travail : pas de préparation, aucune odeur, interrompre son activité et la reprendre à tout moment. Un bonheur ! le seul inconvénient : la poussière. Les pastels ne se mélangeant pas entre eux, il est indispensable de posséder une importante quantité de bâtonnets de tonalités différentes. Conservées dans de bonnes conditions, la pureté et l'aspect velouté des couleurs restent intacts.
Ce procédé, par sa texture lumineuse, son onctuosité, ses couleurs chatoyantes, une accroche exceptionnelle sur le support, comble les besoins d'émotion et de rapidité des peintres. Ils expérimentent les meilleurs effets possibles : hachures pour l'harmonie chromatique, pâtes obtenues avec de l'eau qu'ils travaillent avec les doigts ou la brosse. Une orgie de couleurs. Autre possibilité inégalée du pastel : « dessiner en peignant, peindre en dessinant ».

En 1720, avec la venue en France de la « Rosalba », la Vénitienne Rosalba Carriera, la mode du pastel est lancée en France. Cette technique chatoyante, colorée, spontanée et fragile, au rendu vaporeux, sera très recherchée tout au long du 18e siècle et les plus grands peintres s'y mettent : François Boucher, Jean-Baptiste Perronneau, Élisabeth Louise Vigée le Brun, Maurice Quentin de la Tour. Même Jean-Baptiste Chardin commence à un âge avancé en utilisant déjà le principe du mélange optique des teintes : la touche hachurée, posée par superposition de couches successives, accrochait la lumière et donnait vie au personnage. Parfois, le pastel était écrasé directement sur le papier par de longues traînées de couleurs.

J'en viens à la magnifique exposition du musée d'Orsay qui nous montre une centaine de pastels de la seconde moitié du 19e sur une collection riche de 500 oeuvres. Il s'agit de l'une des plus importantes au monde avec celle du Louvre pour le 17e et le 18e.
Négligé à partir de la Révolution française, c'est un nouvel âge d'or du pastel qui commence dans cette fin de 19e. Une résurrection ! de nouveaux pigments et supports comme le « Pastel Card » apparaissent. le peintre Jean-François Millet, un des grands initiateurs du renouveau, avec « le bouquet de marguerites » annonce une transformation dans l'usage du pastel. Désormais, la technique va cesser de se limiter uniquement au portrait pour devenir un merveilleux moyen pouvant exprimer le paysage, le nu et tous les genres. Tous les peintres avant-gardistes, ces impressionnistes adeptes de la touche divisée et de l'éphémère des choses, vont adopter plus ou moins ce mode d'expression, dont Toulouse-Lautrec, Gauguin, Degas, Morisot. L'un des premiers peintres impressionnistes, Manet, l'utilise plutôt pour le portrait.
Plus tard, les symbolistes, Odilon Redon en particulier, vont exploiter l'extraordinaire plasticité du pastel pour faire surgir l'imaginaire au-delà du réel.

QUELQUES TABLEAUX

Edouard Manet : « Portrait d'Irma Brunet », mon préféré du peintre, mêlant le noir de Manet dans le chapeau au corsage rosé découpé sur le fond gris. La touche rouge des lèvres pimente cette harmonie élégante.

Edgar Degas : « Danseuses » un contre-jour lumineux sur le tulle blanc des tutus et la peau laiteuse des dos et des cous gracieux des jeunes femmes. Les pastels de Degas sont des feux d'artifice ! Il est le peintre qui, dans ses thèmes, utilise le plus cette technique du mouvement. Il raffolait de la représentation des filles du peuple et leurs petits métiers : blanchisseuses, repasseuses, modistes, femmes nues, couchées ou se baignant. La pudeur bourgeoise était choquée : « Je les montre sans leur coquetterie, à l'état de bêtes qui se nettoient ». Il débusquait les corps féminins dans leur intimité. « Il a eu de la chance, ce Rembrandt ! Il peignait des Suzanne au bain ; moi, je peins des femmes au tub ».

Odilon Redon : « Jeune fille au bonnet bleu », jeune femme portant une coiffe bretonne d'un bleu éclatant. « le char d'Apollon », une des compositions les plus solaires du peintre est sur la première page du catalogue de l'exposition.

Mary Cassatt : « Mère et enfant sur fond vert », les vigoureux zigzags de pastel rouge et vert sur la robe laissent penser que la scène a été saisie sur le vif.

Lucien Lévy-Dhurmer : « La Femme à la médaille », j'ai découvert ce tableau et ce magnifique peintre dans l'expo. La coiffe noire du modèle évoque celle des pays germaniques du 16e siècle.

Cette superbe exposition dure jusqu'au 3 juillet prochain. Il faut faire vite.

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