Citations sur Les filles de noce : Misère sexuelle et prostitution au.. (8)
La fonction essentielle de la maison de tolérance n'en reste pas moins de satisfaire tous les exclus et tous les marginaux de la vie sexuelle.
Nécessaire mais dangereuse, la prostitution doit donc être tolérée mais étroitement contrôlée, la surveillance ayant pour but d'empêcher tout excès. Parent-Duchâtelet, en effet, se déclare ennemi de la prohibition dont l'histoire, selon lui, a démontré l'inefficacité. De la même manière, il critique les positions libérales : l'excès de liberté n'est que licence et nombreux sont les individus que leur immaturité empêche de jouir réellement de leur liberté ; les prostituées font partie de cette catégorie.
La tenancière sera propriétaire du mobilier afin de ne pas dépendre des tapissiers ; l'établissement devra, dans toute la mesure du possible, être prospère afin de garantir l'indépendance de la dame. Avec quelque chose de viril dans le maintien, celle-ci inspirera du respect aux filles qui la traiteront avec déférence et se soumettront à l'autorité qu'elle exerce, en quelque sorte, par délégation administrative. « De la force, de la vigueur et de l'énergie morale et physique, l'habitude du commandement, quelque chose de mâle et d'imposant, sont à désirer dans une dame de maison.
Les « mangeardes», les « minotaures femelles », les « pieuvres », les allumeuses boursières ou draîneuses de capitaux, les « ogresses » qui investissent dans le lancement des filles ne se contentent plus de ruiner les jeunes gens de l'aristocratie, elles sont désormais décrites comme la terreur des mères bourgeoises, nostalgiques du temps où leurs fils se contentaient de fréquenter les maisons de tolérance. Les femmes galantes et toutes les prostituées clandestines déterminent en partie cette « extraordinaire mobilié » de « l'argent » qui remet en question les positions apparemment les plus stables.
La prison permet de faire émerger les pulsions profondes de la personnalité et prépare ainsi à la repentance. La relégation à la campagne, le travail, la fatigue musculaire et la marche facilitent ce processus ; en outre, il s'agit des meilleurs procédés pour atténuer les manifestations du désir sexuel chez les prostituées, êtres lubriques par excellence, même s'il est vrai qu'elles demeurent frigides dans l'exercice de leur métier.
La prostitution tolérée doit être une société de femmes destinée à satisfaire la sexualité masculine sous le contrôle direct de l'administration ; la présence d'individus masculins n'appartenant ni à la clientèle ni à la police des mœurs ne pourrait qu'entraîner une confusion des rôles.
La maison sera close ; on ne pourra y pénétrer que par un système de double porte ; les fenêtres seront munies de barreaux et de verres dépolis. Dans la mesure du possible, on évitera les rez-de-chaussée et les entresols afin d'opérer aussi un isolement par l'altitude. Les filles ne disposeront que de très rares permissions de sortie et les visites sanitaires auront lieu à domicile.
L'histoire sexologique du XIXe siècle, jusqu'ici abandonnée aux psycho-sociologues, doit être une histoire du désir, du plaisir et de la misère sexuelle, éloignée des préoccupations morales, natalistes ou eugénistes.