Citations sur Les attachants (20)
Une classe, c’est comme un roman. Vingt-six histoires qui se combinent, qui se heurtent qui s’emboitent. Cinq jours sur sept, de huit heures du matin jusqu’à la fin de l’après-midi, près de neuf mois dans une année, ces histoires se tissent. Si l’on calcule le temps passé ensemble, on s’effraie de constater à quel point une classe absorbe les individus qui la constituent.
Emma a maudit en silence les parents indignes, les faibles, les irresponsables, qui sont légion. Qui se reproduisent. Mal. De travers. Sans respect les uns pour les autres. Ce n'était pas une belle pensée, indulgente et constructive, mais au diable la tolérance. Elle ne s'appelait pas Aucalme.
On a attendu que la mère de Myriam vienne mais elle ne répondait pas au téléphone. Probablement qu'elle avait dû écluser autant que le père. Les deux ne travaillent pas et peut-être que, pour s'occuper, ils s'envoient des litrons dans le gosier à longueur de journée. C'est une activité commune, forte, qui fait sens et peut cimenter les liens du couple, une passion partagée à deux. De quoi s'aimer pour l'éternité.
Peut-être qu'elle voulait raconter à Emma comment c'était humiliant, de ne pas pouvoir aider son enfant, de la laisser se débrouiller dans une langue qu'elle ne possèdait pas. De ne pas être à la hauteur. Nos enfants nous dépassent, nos enfants nous enterrent, nos enfants nous survivent. Comment dit-on, en français, cette infinie tristesse de les contempler, de constater à quel point ils nous sont étrangers ?
Quand on essaie de se fixer quelque part et qu'on n'a pas de mari, pas d'enfant, pas de chat, rien qui compte dans les points du barème, on est sûr, en tant qu'enseignant débutant, de finir là où personne ne souhaite aller.
Mon fils s’appelle Valentin, elle pense.
C’est le prénom que donnent à leurs enfants les gens qui lisent des histoires dans des romans et ils se posent des questions profondes et sérieuses, du genre, peut-être que c’est une histoire qui est vraiment arrivée, ce que raconte l’auteur ? Parce que si elle était vraie, le monde serait une poubelle. Le monde serait une horreur. Le monde serait un enfer sans nom. Il ne faudrait pas que cela arrive, jamais.
On est pas là pour sauver la vie des gens, on ne peut pas changer les destins, on ne sert pas à grand- chose, finalement. Un caillou ne dévie pas le cours de la rivière et je suis quoi, moi, une caillasse, un galet, rien, et l'eau me passe dessus et les emporte, ces gosses, loin, sans que je puisse rien faire.
A réfléchir sur la nécessité de vivre avec quelqu'un qu'on n'avait pas vraiment choisi. Qui s'était imposé et dont on aurait du mal à se débarrasser.
On est pas là pour sauver la vie des gens, on ne peut pas changer les destins, on ne sert pas à grand- chose, finalement. Un caillou ne dévie pas le cours de la rivière et je suis quoi, moi, une caillasse, un galet, rien, et l'eau me passe dessus et les emporte, ces gosses, loin, sans que je puisse rien faire.
Le cadeau qu'on offre aux débutantes pleines d'enthousiasme et de zèle pour qu'elles comprennent que l'Education nationale était à l'image de la vie, un monde sans pitié où il fallait avant tout s'adapter. Pour qu'elles réalisent aussi que la vocation, c'était un mythe, un délire romantique, qu'il fallait vider de ses idéaux pour appréhender la substantifique moelle du métier : apprendre à survivre.