Les attachants

On en a vu des tas, des figures de héros, des professeurs qui sauvent des classes, qui tirent les gamins vers le haut en un tour de bras, des gamins qu'on pensait sans espoir, perdus depuis longtemps, des pauvres gosses qui ont déjà trop vécu.

Emma, elle, ne sauve pas sa classe. Elle n'entreprend pas de grand projet qui rendrait tous les enfants sages, tolérants et studieux. Elle ne sauve pas Caïn, dont le regard froid et méchant l'effraye, ni Ryan dont elle rate tous les signaux d'alerte, ni Karima, Michel, et les autres dont elle ignorera la destinée. Mais elle essaye, elle se bat pour eux, elle résiste contre les injustices du système, l'irresponsabilité de certains parents, ou la violence dont d'autres font preuve… Avec Aucalme, le directeur, les disputes sont fréquentes, mais toujours, il finit par céder face à la candeur d'Emma qui lui donne l'impression que les choses peuvent changer.

Les attachants, dernier roman de Rachel Corenblit, retrace par fragments la vie d'Emma, jeune enseignante dans une classe de CM2. le lecteur suit le fil de ses pensées, chaque souvenir étant lié à un autre. Ainsi, les histoires de ses élèves et la sienne s'entremêlent. On s'attache à chacun des personnages sans même s'en rendre compte et l'envie de connaître la suite est forte et constante tout au long du livre. On s'attendrit, on sourit, on s'émeut, on partage l'impuissance palpable, presque douloureuse d'Emma, on réfléchit… Et on se demande si c'est vrai.

« Mon fils s'appelle Valentin, elle pense.
C'est le prénom que donnent à leurs enfants les gens qui lisent des histoires dans des romans et ils se posent des questions profondes et sérieuses, du genre, peut-être que c'est une histoire qui est vraiment arrivée, ce que raconte l'auteur ? Parce que si elle était vraie, le monde serait une poubelle. le monde serait une horreur. le monde serait un enfer sans nom. Il ne faudrait pas que cela arrive, jamais. »

C'est une lecture forte en émotions qui ne laisse pas indemne et qui amène à se questionner sur le système scolaire français, le rôle des professeurs dans la vie des enfants, et sur la société, avec ses injustices et ses inégalités. À nous, lecteurs, de prolonger cette lecture par la réflexion, et pourquoi pas, par les actes. Mais comme l'écrit Rachel Corenblit, les gens, après la lecture, « s'énervent et font des grands gestes et leur indignation s'atténue, se perd dès lors que le bouquin est rangé dans la bibliothèque, à côté d'autres livres remplis d'histoires qui donnent de la joie et aussi des peurs rétrospectives. C'est à cela que servent les livres, non ? »

Des histoires qui racontent la vie d'enfants, d'adolescents dans des quartiers défavorisés, et qu'on remonte à la surface, tout le monde en connaît au moins une, que ce soit un livre ou un film. Des histoires d'enfants qu'on n'arrive pas à repêcher, à protéger, ça, on connaît moins. Et pourtant qui sait quelle est la proportion de chaque dans la réalité ?

C'est une lecture qu'on vous conseille fortement. Chaque souvenir d'Emma amène son lot de sensations. On passe de moments forts et graves à d'autres, plus légers et tout aussi puissants. La fête de Noël, la classe de neige… Avec ou sans bruits, les enfants et l'enseignante sont ensemble, unis, en suspens dans le temps, et ils savourent ces instants, comme des parenthèses (qu'on apprécie aussi) dans un quotidien tourmenté.
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Un roman fort en émotions! On est touché par cette jeune professeure des écoles dont on fait un symbole mais qui est humaine avant tout! Puissant!