Citations sur N'y a-t-il pas d'amour heureux ? (83)
Invariablement, la blessure parentale risque d'engendrer le même problème chez l'enfant. Un être qui ne voit pas son existence naturelle confirmée comme étant bonne et agréable sans qu'il ait à accomplir mille singeries pour être accepté se retrouve avec un problème narcissique sur les bras : il ne s'aime pas et il aura de la difficulté à aimer. Il développera une fausse personnalité qui suivra dans les grandes lignes de ce qui plaît aux parents et délaissera les autres parties de lui-même. On l'accusera par la suite d'être égocentrique, centré sur lui-même, susceptible et incapable d'empathie. Cela est vrai dans la mesure où son véritable moi a manqué de renforcement positif. Ayant perdu le contact avec son identité profonde, il se trouve du même coup coupé de la vie et des racines de l'amour.
La sexualité est une divinité archétypale, elle a donc le pouvoir de s'emparer de notre corps et de notre esprit lorsque nous ne lui vouons pas un culte approprié. Si au lieu de la fêter nous la cachons dans les recoins sordides de la psyché, elle se pervertit et s'enlaidit.
La première chose à faire, c'est de célébrer la sexualité comme la chose forte et belle qu'elle est en réalité. Ce qui arrive trop peu souvent. Nous n'avons pas idée à quel pont notre être tout entier est sexuel. Chaque cellule de notre organisme est sexuelle et est elle-même née de la division de deux cellules sexuelles. La sexualité exprime la pulsion même de la vie. Il s'agit de sa manifestation la plus spirituelle car elle participe du même mystère dans lequel la vie trouve son origine et son fondement. Etablir comme on l'a fait une stricte division entre spiritualité et sexualité, c'est poser sur la vie un regard limité qui n'arrive pas à embrasser le fait que nous sommes tous venus au monde avant tout pour créer et procréer.
Combien d'hommes ont eu la chance de voir leur sexualité ainsi célébrée durant l'enfance ? Je crois qu'en passant sous silence l'arrivée du sperme chez le garçon on rate une belle occasion de le responsabiliser par rapport à sa sexualité. Car l'arrivée de sa sexualité adulte annonce des plaisirs et des libertés qui ne viennent pas sans responsabilités. En occultant cet événement, on passe à côté d'un tournant capital, et une partie de la sexualité continue de croître dans la honte, dans la culpabilité et dans l'irresponsabilité. Quand on sait que beaucoup d'adolescents refusent encore le préservatif malgré le danger du sida, on se dit qu'il y a encore beaucoup à faire pour la sexualité. En osant parler plus ouvertement des choses du sexe, on rendrait les adolescents plus conscients des véritables enjeux liés à ce grand plaisir de la vie.
Dans les familles ouvertes, on commence à souligner de plus en plus fréquemment l'arrivée des menstruations chez la fille à l'aide de petits rituels ; quelques proches de la jeune pubère telles que la marraine, une tante ou une amie, sont invitées à lire des poèmes et à offrir cadeaux et fleurs. Pourquoi ne fêterait-on pas de la même façon l'arrivée du sperme chez le garçon, puisqu'il s'agit là aussi du passage de l'enfance au monde de la sexualité adulte ?
En analyse, j'ai remarqué que les patients parlaient toujours avec émotion et sympathie d'une mère qui trouvait le temps de peindre ou d'écrire tout en s'acquittant de ses tâches ménagères. Les torts viennent de l'excès, lorsque par exemple on oublie le bien-être de ses enfants dans la poursuite d'une passion personnelle.
... pour qu'il y ait rencontre entre deux personnes il doit y avoir conflit et résolution de conflit. Les conflits surgissent pour stimuler la vie. A partir du moment où, afin d'acheter la paix avec les autres, on refoule systématiquement tous les besoins intérieurs qui risquent d'occasionner des frictions, on entre de plain-pied dans le règne de l'indifférence et du déni. Il y a un éléphant dans le salon mais personne ne peut le voir.
En fait, à partir du moment où un jeune s'avance dans l'adolescence, ses parents n'ont plus à répondre de lui. Il doit maintenant se prendre en main, peu importe ce que fut son enfant. Les mères voudraient vivre à la place de leurs fils pour leur éviter les vicissitudes du destin. Mais on ne peut pas vivre un drame à la place de quelqu'un d'autre. Le fils doit choisir par lui-même ce qu'il veut faire de sa vie.
Il faut encourager de tels parents à pratiquer ce que les alcooliques anonymes appellent le tough love, c'est-à-dire une forme de relation qui suspend la sollicitude exagérée envers le fils pour le laisser affronter lui-même les épreuves de la vie, quitte à ce qu'il décide de sombrer dans son impuissance. Bien entendu, il n'est pas facile de faire comprendre à des parents qu'il s'agit là de la meilleure façon d'aimer un enfant surtout s'il se retrouve souffrant, démuni et rejeté. Pourtant si on ne réagit pas, on risque de devenir soi-même victime d'un être qui a décidé de se détruire.
... il ne faut pas tout prendre au tragique. Il est bon de savoir que 92% des adolescents et adolescentes commettent au moins un acte de délinquance au cours de cette période. Ils ont besoin de tester les limites de la réalité. Si on se rappelle sa propre adolescence, on n'a pas de peine à constater l'exactitude d'une telle statistique.