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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
S.A. Cosby avait quarante-cinq ans lorsque sa première nouvelle a été publiée, puis primée, en 2018. Depuis, les romans s'enchaînent avec succès et il a pu abandonner son job alimentaire dans le funérarium de son épouse. Enfant, Cosby avait connu la misère, la vraie, dans la vieille caravane où il avait vécu avec son frère et ses parents.

S.A. Cosby est issu du Sud profond américain, un territoire où des Noirs sont, comme lui, à jamais hantés par les conditions d'esclavage imposées à leurs ancêtres, tandis que certains Blancs continuent à dénier la défaite des Confédérés dans la guerre de Sécession et restent nostalgiques d'une époque qu'ils glorifient, ne serait-ce que pour affirmer leur suprémacisme ou pour provoquer les militants progressistes, partisans des droits civiques. le Sud profond est marqué par des décennies de crimes et de vengeances atroces. Son sol est imbibé du sang d'innocents et des larmes qui l'accompagnent. Aujourd'hui encore, la violence peut exploser au moindre incident.

Cette violence latente est présente dès les premières pages du roman. Titus Crown est le premier Noir à être élu shérif du comté de Charon, en Virginie. Après douze ans de service au FBI, il est revenu sur sa terre natale avec l'intention de faire respecter les droits démocratiques de chacun, sans concessions. Il est inévitablement considéré comme illégitime par la frange la plus extrémiste de la population blanche. En même temps, il inspire une sorte de méfiance aux Noirs et aux progressistes, qui craignent qu'il ne finisse par s'incliner devant les arguments des puissants.

Le roman commence par une alerte malheureusement récurrente outre-Atlantique, une fusillade dans un lycée. Un adolescent noir a ouvert le feu et tué un professeur blanc estimé de tous. le meurtrier est abattu quelques minutes plus tard par deux adjoints blancs du shérif. Ce dernier les suspend immédiatement, conformément aux procédures… Les conditions sont en place pour que chaque communauté s'en vienne à tour de rôle au bureau du shérif crier à l'injustice.

L'affaire va s'avérer plus complexe et plus sordide, qu'elle n'en a l'air. Les premiers éléments de l'enquête vont révéler au shérif Crown des pratiques monstrueuses de tortures et d'assassinats d'enfants noirs, puis l'existence d'un serial killer, ordonnateur de ces pratiques : un criminel psychopathe et mystique.

Mystique, le tueur n'est pas le seul à l'être, sur le territoire de Charon. Noir ou Blanc, chacun semble avoir été nourri d'enseignements bibliques et les avoir revisités à la sauce des prédications émises dans l'église évangélique qu'il fréquente. Certains se livrent même à leur propre interprétation et ce n'est jamais sans risque. D'autres ont pris du recul et fait la part des choses, comme le shérif Titus Crown himself. Cela ne supprime pas les sentiments de culpabilité diffuse, qui amènent chacun à chercher sa rédemption où il le peut.

Le sang des innocents est un thriller assez classique dans sa construction et dans ses péripéties, tant pour les éclaboussures d'hémoglobine, qui n'impressionnent plus personne, que pour les rebondissements, qui ne m'ont pas surpris. Les quatre cents pages du livre forment un tout cohérent et bien rythmé, qui se lit sans déplaisir, même si l'on n'est pas un amateur idolâtre de ce genre de littérature. La scène finale est, comme il se doit, ultraviolente et sanglante. Les pages qui la suivent et qui clôturent le roman font redescendre en douceur la tension.

L'élément attachant de l'ouvrage est son personnage principal, le shérif Titus Crown. Droit dans ses bottes, confiant en ses valeurs, en ses méthodes et en sa détermination, Titus n'en a pas moins ses failles et un secret qui l'honorent, l'humanisent, mais le fragilisent. En le créant, l'auteur a certainement projeté ses propres espérances d'Afro-Américain du Sud.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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[Lu dans le cadre du Grand Prix de lectrices de Elle]

Titus Crown est le premier shérif noir de la petite ville de Charon (!), en Virginie. Après un passage au FBI, il est revenu s'installer dans sa ville natale, dans ce Sud profond qui n'en finit pas de porter en lui les traumatismes du passé. L'élection d'un Noir au poste de shérif prouve que les choses changent, mais les vieux démons du racisme sont toujours bien vivants et le fanatisme religieux pollue souvent les tentatives d'apaisement. Alors, quand un adolescent noir tue un prof blanc avant d'être abattu par un des collègues blancs de Titus, les vieux antagonismes s'exacerbent, et de sensible, la situation devient explosive. Mais qu'est-ce qui lui a pris, à Latrell, de tirer sur M. Spearman, ce prof formidable, qui donne beaucoup de son temps à tous ces jeunes et qui réussit à être apprécié des deux communautés ?
***
Dès la préface de David Joy et la présentation du comté de Charon en guise d'avant-propos, j'étais ferrée ! Mon attention ne s'est d'ailleurs pas relâchée et j'ai beaucoup apprécié le Sang des innocents. Les difficultés pour le nouveau Sud de cohabiter avec l'ancien sont rendues évidentes. Par exemple, le drapeau confédéré brandi dans certaines manifestation ou déployé devant des maisons rappelle sans cesse les affrontements entre les communautés, des atrocités de l'esclavage et des injustices de la ségrégation aux horreurs de la guerre de Sécession et aux ressentiments actuels. Si Titus est accepté par une minorité blanche progressiste, il est repoussé et méprisé par d'autres, et son statut de policier lui vaut la méfiance de sa propre communauté. J'ai bien aimé le personnage de Titus, sensible mais tentant de rester impassible, conscient qu'il est des conséquences que pourrait provoquer l'expression de ses sentiments dans les situations délicates. On comprend qu'il s'est passé quelque chose au FBI pour que Titus quitte le bureau, mais on ne sait pas quoi. S. A. Cosby procède comme si le lecteur connaissait déjà les détails de l'histoire, au point que je suis allée voir les résumés des deux ouvrages précédents parce que je me demandais si Titus était un personnage récurrent. Eh bien non ! il faudra attendre pour mieux comprendre les causes de certaines attitudes de Titus. J'ai bien aimé ce polar sans pause et sans concession. Il se trouve que, juste avant de le lire, j'avais regardé sur Arte une série intitulée Mystery Road : les origines, qui se déroule en Australie. Un jeune policer aborigène est le premier à exercer la fonction de policier dans la petite ville où il est né... Si l'enquête n'a rien à voir, j'ai trouvé qu'il y avait vraiment beaucoup d'échos de l'un dans l'autre, jusqu'à l'histoire d'amour et la figure du père qui présentent certaines similitudes. J'avoue que cela parasitait ma lecture par moment. N'empêche, je lirai les deux autres romans de S. A. Cosby traduits en français. Je suis sûre de me régaler…
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C'est un dimanche d'avril au coeur du Palais de la Bourse à Lyon. Dans les allées bondées de Quai du Polar, une clameur s'élève sur un stand et devient une ovation : Shawn Andre Cosby vient de rentrer dans le cercle fermé des auteurs qui ont vendu et signé tout leur stock de livres prévu pour le festival. Un signe…

Et ça n'est pas un hasard pour un auteur qui en seulement trois livres, s'est fait une place parmi les grands du polar, basant ses romans dans le Deep-South qu'il connaît si bien, en bon natif de Virginie qu'il est.

Dans le Sang des Innocents, traduit par Pierre Szczeciner, direction le comté de Charon, « semblable à la majorité des villes et des comtés du Sud : son sol était imbibé de plusieurs générations de larmes et, ici comme ailleurs, violence et chaos étaient érigés en symbole d'un passé idéalisé ».

Un prof – blanc – abattu par un illuminé – noir – au coeur de son lycée, puis la découverte de cadavres d'enfants noirs enterrés après des mutilations fanatiques, plongent Titus Crown, premier shérif noir de Charon, au coeur d'une tension locale raciste et religieuse qui ne demande qu'à exploser.

Une intrigue qui se tient à défaut d'être originale, une construction et un rythme classique et sans faux pli : Cosby tient toutes ses promesses. Mais c'est ailleurs qu'il excelle.

Et notamment dans sa capacité (déjà appréciée dans La Colère) à construire des personnages forts, qu'on ne risque pas d'oublier. Son Titus est immédiatement empathique grâce à ses équilibres imparfaits : professionnels, familiaux, sentimentaux. Un shérif nounours, au coeur indécis mais à la morale assurée.

Mais aussi dans son analyse en sous-couche de ce mouvement de moins en moins rampant ou confidentiel de cette nouvelle génération de suprémacistes du XXIe siècle qui se veulent aujourd'hui plus extrémistes que leurs ancêtres qui défendaient le Dixieland traditionnel.

En utilisant le polar pour évoquer le sociétal, Cosby fait mieux que de nous tenir en haleine pendant 400 pages : il nous donne à comprendre une partie de ce qui se passe au plus profond de l'Amérique, dont nous ne voyons souvent de chez nous que les conséquences politiques.
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Dans cette histoire on fait la rencontre de Titus Crown, ancien agent du FBI, et maintenant premier Shérif noir à être élu à Sharon County en Virginie.
Mais comme si Sharon n'avait pas déjà eu son lot de violence par le passé, voilà qu'un jeune noir, Latrell, rentre armée dans un lycée et tire sur le prof préféré de tous, puis se fait abattre par la police. Qu'a-t-il pu bien passer par la tête de ce jeune garçon pour en arriver là ? C'est ce que Titus essayera de comprendre.

J'ai longtemps hésité à lire ce livre, je n'avais pas envie de lire une énième histoire sur les violences raciales, mais je dois dire qu'ici S. A. Cosby nous livre aussi une histoire très sombre comme j'aime.
C'est d'ailleurs à travers son personnage principal qu'il nous raconte le sud profond avec évidemment sa violence raciale et sa religion très présente.
J'ai d'ailleurs beaucoup aimé Titus, un personnage attachant, qui essaye d'être droit et juste malgré les circonstances et qui a une façon très imagée de dire les choses !
Mais ce n'est pas tout, l'auteur nous embarque aussi dans la poursuite d'un tueur en série ! On est entrainé dans une bonne dose de violence avec un rythme oppressant et une tension qui monte crescendo, impossible à lâcher, j'adore !

Pour moi c'est donc une très bonne histoire que j'ai beaucoup aimé lire, une belle découverte d'un auteur à suivre !
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Après avoir bossé une dizaine d'années au sein du FBI, Titus Crown vient d'être nommé shérif de Charon, un comté perdu au milieu des plaines de Virginie dont le lourd passé sudiste est toujours présent.

C'est une fusillade au lycée Jefferson Davis qui mettra le feu aux poudres à Charon. Un jeune délinquant noir va en effet y abattre de sang-froid M. Spearman, un professeur de géographie très apprécié des élèves et des habitants de la ville, et la riposte ne se fera pas attendre : dès que ce jeune armé d'une carabine sortira du lycée, deux des adjoints blancs de Titus vont lui tirer dessus. Et le tuer.

Pour son troisième roman traduit en France aux éditions Sonatine, S.A. Cosby frappe très fort avec un polar magistral qui nous plonge dans la violence du sud de l'Amérique, autour d'un fait divers macabre qui va mettre le feu aux poudres d'une communauté fracturée par la question raciale. Dans ce récit de + de 400 pages qu'on lit- presque- d'une traite, le shérif Crown semble lutter autant contre ses ennemis que contre ses démons intérieurs.

Ce polar explore les profondeurs d'une Amérique fracturée qui semble irréconciliable tout au long des 400 pages de ce roman virtuose et assez époustouflant de bout en bout.


Lien : http://www.baz-art.org/2024/..
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Me voici à nouveau dans le Sud de l'Amérique, chez les péquenots racistes, les culs terreux qui regrettent le temps de la ségrégation raciale, chez les nostalgiques de la guerre de Sécession… Bref, là où il vaut mieux être WASP qu'Afro-américain…

Ça, c'est un super roman noir de chez noir (sans mauvais jeux de mots), un roman qui prend aux tripes très vite, un roman que j'ai lu sans ciller des yeux, sans respirer aussi, tant la tension était palpable et à couper au couteau.

Ce récit vous donne l'impression d'être assise sur un baril de poudre avec un bâton de dynamite allumé en main… Et pour Titus Crown, le shérif de la bourgade sudiste de Charon, c'est encore pire.

Ce roman sombre explore la noirceur humaine dans ce qu'elle a de plus glauque, de plus bas, de plus terrible. Oui, à un moment donné, il y a eu des mots insoutenables, de ceux qu'on n'a pas envie de lire ou d'entendre (et encore moins de voir), de ceux qui vous coupent la respiration, qui vous crispent…

L'auteur ne donnera pas trop de détails, afin de ne pas rajouter de l'horreur à celle qui était déjà annoncée et éviter un voyeurisme malsain. Malgré tout, on ne peut s'empêcher d'avoir la bouche sèche et les sueurs froides devant pareilles ignominies.

Heureusement que pour contrer tout cela, il y a Titus Crown, véritable lumière dans toute cette "sombritude", sans pour autant qu'il soit un chevalier ou un super-héros. Il a ses défauts, ses doutes, ses fêlures, ses contradictions aussi, parce qu'il n'est pas toujours facile de rester droit et de respecter ses principes.

Titus est un personnage fort, un ancien du FBI, qui vit avec ses fantômes et qui tente de garder la tête hors de l'eau dans cette société qui est nostalgique de la guerre de Sécession, voulant célébrer ses officiers et de la ségrégation. Dans sa ville, il est soit vu, soit comme un traître à sa communauté, soit comme un Noir, soit comme un mec bien.

Si l'intrigue commence de manière assez classique, avec un ado qui flingue un prof, c'est toute la suite qui sortira de l'ordinaire et nous emportera dans un maelstrom qui ne nous laissera que peu de répits. En vrac, il y a des émotions, de l'action, des tergiversations, des dilemmes, des décisions difficiles à prendre, du racisme, de la violence, de l'imbécilité humaine et j'en passe…

Anybref, c'est un roman intense, fort, magnifique, profond et les mots me manquent. Un roman dans lequel coule le sang, les larmes et la xénophobie. Un roman noir où les tensions raciales sont à leur comble et commencent à atteindre le point de rupture entre les deux communautés.

Un excellent roman noir ! Un coup de coeur.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Bienvenue à Charon Country en Virginie, où la vie est loin d'être paisible pour son nouveau shérif, noir, Titus Crown. Pensez passeur des enfers dans la mythologie grecque, c'est à peu près le rôle de Titus à Charon où le racisme flotte dans l'air depuis des générations. Difficile pour cet ex-agent du FBI, qui ne fait pas vraiment l'unanimité auprès de ses concitoyens. Les tensions sont nombreuses et il ne manque pas grand chose pour que la ville s'enflamme.
Un lycéen noir va tuer son ancien professeur de géographie, très aimé de la communauté. Dépêchés sur place, deux collègues blancs de Titus vont abattre le jeune homme, c'est l'étincelle qui s'embrase.

Avec une grande maîtrise, S.A. Cosby livre une enquête sous haute tension dans un coin des États-Unis où les tensions raciales sont encore très palpables. La Virginie est loin d'avoir trouver un équilibre entre ces concitoyens, état où il y a peu on parlait encore de ségrégation et d'esclavagisme. Cette haine à l'égard de l'autre, où les préjugés sont encore tenaces, couplé au mouvement "Black Lives Matter", un terreau adéquate pour l'auteur.
Il dresse également le portrait d'un personnage d'une droiture imparable, celui de Titus Crown. Cet homme déborde d'un charisme incroyable. Malgré la tempête, on le sent prêt à tout, même à défendre un blason plus que maltraité par ses prédécesseurs. Hanté par son passé mais déterminé à protéger sa ville, il reste le pilier central de ce roman.
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Sur le fil du rasoir.

Le héros, Titus Crown, ex agent du FBI, de retour dans sa Virginie natale pour s'occuper de son père, a été élu shérif du comté de Charon.

Premier souci : nous sommes dans un état sudiste et donc raciste. Or, notre héros est noir et affronte un double rejet : celui des blancs racistes et celui des noirs qui le traitent de « Bounty ». Titus est donc bien isolé.

Second problème, dans ce comté rural et plutôt paisible, un jeune noir, drogué et désaxé, assassine un prof blanc très apprécié ouvrant ainsi la porte d'un enfer que nul ne soupçonnait. Titus va mener une enquête dévastatrice pour le comté mais aussi salvatrice pour lui- même.

S.A COSBY nous offre un récit sombre et tendu, à l'atmosphère lourde et délétère, porté par un héros charnel, un héros qui se débat entre une aspiration à la quasi perfection et la difficile acceptation de ses démons intérieurs.
L'enquête particulièrement sordide et cruelle nous promène au sein d'une société sudiste où certains blancs rêvent encore de ségrégation, voire d'esclavagisme, et où certains noirs peinent à trouver leur place. L'ensemble baignant dans un climat de déclin économique mâtiné de problèmes sociaux et de fanatisme religieux.

Une fois encore, je réalise à quel point le racisme subi et raconté par un noir est insupportable : c'est toute une société qui s'est organisée pour formater les descendants des anciens esclavages, les programmer pour échouer, les pousser à s'automutiler psychiquement, à accepter leur sort minable.
En réponse à cette pression, Titus veut être plus que parfait, plus qu'irréprochable tant d'un point de vue physique, qu'intellectuel ou moral. Prisonnier de ses propres exigences, il transforme sa vie en épreuve permanente, en défi continu et s'oblige à refouler, fuir et enfouir tant et tant… En permanence sur le fil du rasoir, jusqu'au jour où…

Du style. du contenu. J'ai particulièrement aimé.

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Je gardais un excellent souvenir de ma dernière incursion dans le sud des Etats-Unis avec S.A. Cosby alors pourquoi ne pas remettre ça ? La Colère était un roman palpitant qui tenait sur les épaules d'un duo improbable mais diablement efficace, le Sang des innocents est tout aussi palpitant, efficace et noir. Ce qu'il met au jour c'est l'héritage indélébile d'un territoire marqué à jamais par les violences qui y furent perpétuées et répétées contre les noirs, l'impossible oubli malgré la marche de l'Histoire. Pourtant, à Charon petite ville de Virginie, un shériff noir a été élu pour la première fois. Titus Crown, revenu sur ses terres natales pour prendre soin de son père après quelques années passées au FBI. Bon, ses raisons sont un peu plus obscures que la version officielle mais toutes les vérités ne sont pas toujours bonnes à dire. Quoi qu'il en soit le voila élu depuis quelques mois, soucieux de ne pas donner prise à ceux qui n'attendent qu'un faux pas pour le discréditer, d'un côté comme de l'autre. Fragile équilibre entre deux communautés qui se contentent de se supporter de loin. C'est alors qu'un terrible drame survient au coeur du lycée de la ville : l'un des élèves, un jeune noir tire sur le professeur préféré de tous et est ensuite abattu par l'un des hommes de Titus. Il n'en faut pas plus pour cristalliser rancoeurs et haines accumulées, tandis que Titus tente tant bien que mal de conserver les rênes d'une enquête qui l'emmène dans l'exploration des plus bas instincts de l'homme.

Encore une fois, S.A. Cosby a réussi à me captiver. le personnage de Titus est humain à souhaits, si désireux de bien faire, engagé et en même temps torturé par les réminiscences d'un drame ancien. Condamné à une vigilance de tous les instants, sur tous les terrains pour protéger son territoire, s'imposer et parvenir à faire son métier. Autour, les influences s'entrechoquent, entre barons locaux souvent blancs, trafiquants notoires, nostalgiques du sud d'antan ou encore pasteurs des nombreuses églises en veine de pouvoir. Les crimes atroces que l'équipe du shériff met au jour ne font que renforcer les menaces et l'auteur orchestre tout ça avec talent autour de personnages solidement incarnés. Sa narration très visuelle (ah ce geste de Titus pour enlever ses lunettes de soleil...) renforce la sensation de faire corps avec certains des protagonistes et projette dans un décor de cinéma. Son propos n'est pas tendre pour dénoncer l'emprise des religions, l'hypocrisie qui va avec et s'épanouit particulièrement sur ces terrains ruraux et antagonistes. On comprend pourquoi ce roman fut l'un des préférés de Barack Obama l'été dernier. Tension extrême et force du propos, c'est parfait.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Titus est là, dès les premières pages. Et il ne nous lâchera plus. Dans ce roman de Cosby, tout tient grâce à ce personnage attachant. Tendre et désabusé, Titus, shérif noir dans une petite ville au passé confédéré encore bien présent, tente de faire respecter la loi. Tant bien que mal. Lui, l'ancien du FBI est de retour au bercail au côté de son père. Et puis une fusillade va bouleverser l'équilibre tout relatif de ce petit bout d'Amérique.

Sans Titus, sa capacité fédératrice sans tomber dans une fausse bienveillance trop lisse et ses failles cachées, je n'aurais sûrement pas à ce point accrochée au texte. Parce qu'il y a des passages un peu convenus que l'on retrouve dans la plupart des romans américains qui parlent de ségrégation raciale. Cependant, si Cosby ne révolutionne pas le genre, il le maîtrise. C'est un texte qu'on ne lâche pas, il y a un côté « netflixien », on imagine assez bien à la lecture ce qu'on pourrait en tirer à l'écran, avec un jeune Forrest Whitaker dans le rôle principal.

Pour ce qui est de l'intrigue policière, elle m'a fait penser à celle de la cour des mirages de Benjamin Dierstein (accrochez vos ceintures, mais lisez-le !). Mais le côté très politique en moins. Et c'est peut-être là que se niche mon bémol. J'ai lu un roman policier. Vraiment bon. Mais j'ai regretté de ne pas lire un véritable roman noir. le tueur machiavélique dessert à mon sens le propos social du texte. Cela donne un rythme, une efficacité mais nous focalise sur une enquête à rebondissements là où j'aurais préféré lire un texte qui creuse plus les différences sociales à Charon. Pas besoin d'un tueur baigné de religiosité qui fait subir les pires atrocités pour comprendre les mécanismes de la haine et du racisme. Surtout que le personnage principal s'y prête complètement.

Pour autant, je suis contente d'avoir découvert cet auteur et je pense lire ses premiers romans. Il a l'art et la manière de créer des personnages attachants et ça demande bien du talent.
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