Citations sur Les traces (26)
Des cartes postales, des lettres dont les inscriptions bleues s'effacaient et qui disaient la douleur et l'amour, la désillusion et les tendresses. (p.104)
C'était à eux, de nous faire des avances, à eux, de nous inviter à danser, à eux, de prendre des vestes. Ils n'avaient pas toujours le meilleur rôle. On voulait nous faire croire que les femmes pouvaient avoir le pouvoir, alors que c'était faux, et bien, ils n'avaient qu'à garder leurs privilèges, y compris celui d'avoir l'air idiot en nous faisant la cour. (p.81)
C'est là que j'ai remarqué une pousse de genêt sur la pente du volcan, à mes pieds. Sa tige fluette, qui portait déjà des bourgeons pâles et ramassés comme des insectes, était comme un défi. Elle avait réussi à pousser sur la terre presque morte, pétrifiée par les coulées de lave. Sa présence était incongrue. Elle était comme la lavande dans le placard d'Alice, les bribes de prière d'Anne-Louise, les papillons secrets d'Hugo, elle était cette histoire d'amour sur mon coeur sec, un fragment arraché à l'oubli. J'en ai pris une tige pour m'en souvenir. (p.146)
Je devais cesser de lui parler de mon travail, puisque c'était trop dur pour lui .(..)Puisqu'il était choqué pour un rien. Puisqu'il me trouvait dejà bizarre alors qu'il ne connaissait rien de moi. (...). Il fallait que je lui montre un visage lisse et un caractère égal, pour qu'il reste avec moi.(...) Ce ne serait plus exactement le même bonheur qu'au début, la même liberté envers l'autre, puisque je me surveillerais, et lui aussi sans doute, et que nous saurions désormais que nous n'occuperions plus la même bulle identique Nous ne serions jamais en parfaite osmose comme je l'avais rêvé.(..) Le prince charmant de mon enfance s'enfuyait dans une tempête d'éclaboussures, son cheval blanc avait les jambes pommelées de taches de boue.
Anne-Louise a repris :
- Dites moi est ce que celle que je suis est la même que celle que je crois être ?
Olivier a klaxonné dehors. J'étais gênée que ça arrive maintenant , à un moment où nous partagions une conversation que nous n'avions jamais eue, et où Anne-Louise était consciente comme elle ne l'avait pas été depuis longtemps. Les photos avaient ce pouvoir. (...)
-Vous voyez, ça vous fait du bien , les photos, ça aide justement à garder trace des choses. (p.126)
Etrange, cette obsession des heures pour ceux à qui il restait peu de temps à vivre, à la caisse des supermarchés c'était pareil, les plus pressés c'étaient les vieux, ceux qui criaient le plus fort quand on essayait de leur piquer leur tour, c'étaient eux. Ils essayaient peut-être de rattraper le monde, qui courait plus vite qu'eux, ils voulaient prouver qu'ils arrivaient encore à tenir la cadence pour qu'on ne les enterre pas tout de suite. (p.45)
Je savais que je devais à tout prix avoir le courage de faire semblant, badiner.Cela faisait partie de mon travail, de parler d'autre chose en nettoyant un corps ou une plaie, quand je travaillais en hôpital il m'était arrivé de laver un mort en regardant les clips sur la télé de la chambre. Faire deux choses en même temps, cela permet de penser ni à l'un ni à l'autre. J'y étais habituée, et après tout, c'était ma fonction, mon métier, mon rôle: j'étais une dame de compagnie. (p.8)
[...]les seules vies supportables sont celles que l'on s'invente.
Un sans-domicile n'est plus le même si tu essaies de l'imaginer, enfant, dans les bras de quelqu'un. (p.83)