-Je suis persuadé qu’elle peut surmonter cette rage qui la dévore de l’intérieur, dit Renaud. Lorsqu’elle a découvert que je l’espionnais pour le compte de la Guilde, elle m’a abandonné dans les montagnes écossaises. Abandonné seulement. Ce jour-là, elle aurait pu me tuer, mais elle m’a épargné.
-Etonnant de sa part.
-Pas tant que ça. J’avais commencé à comprendre son tourment, à l’apaiser. C’est un fauve blessé, pas un monstre.
Rowena reste songeuse.
-Vous comptez la retrouver ? demanda-t-elle.
-Oui, c’est pour cette raison que je vais à Paris. Elle a là-bas un protecteur, un grand seigneur, proche du roi de France. Lui doit savoir où elle se trouve.
-Toujours votre projet fou de la ramener à plus de raison.
Pour toute réponse, Renaud sourit. Rowena, elle, ne s’y risquerait pas, même si elle comprenait qu’il puisse être ému par l’âme blessée d’Agnès.
Agnès se jura que c’était la première et la dernière fois qu’elle laissait autant de liberté au hasard. La chance n’avait jamais eu aucune place dans sa vie. Depuis que ses parents l’avaient abandonnée à son triste sort, rien ne s’était déroulé selon les caprices d’un destin aux imprévisibles lubies. Dans son existence, tout avait toujours eu un sens, une finalité. Rowena, la Guilde Pérégrine à laquelle appartenait son bourreau, Safir, ou encore sa mère : tout était lié. La persuader du contraire eut été inutile.