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Citations sur La véranda au frangipanier (10)

Des frères ? Ceux qu'ils appelaient des "frères" n'avaient aucune parenté avec moi. C'étaient des révolutionnaires, des guérilleros. Ils luttaient contre le gouvernement des Portugais. Je n'avais pas le coeur de me mêler de ces conflits. J'avais toujours étudié à la mission, chez les pères. Ils m'avaient éduqué dans une langue qui ne m'était pas maternelle.
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Je suis mort. Si j'avais une croix ou une plaque de marbre on errait écrit dessus : Ermelindo Mucanga.Mais j'ai trépassé de conserve avec mon nom cela fait presque deux décades. J'ai été des années durant un vivant patenté, une personne de race autorisée. Je peux avoir mené ma vie avec droiture, je ne m'en suis pas moins disqualifié lors de mon décès. Cérémonie et tradition m'ont manqué lorsqu'on m'a enterré. Il ne s'en est même pas trouvé un seul pour me replier les genoux.
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- C'est dommage que vous ne soyiez pas de ceux qui suivent la tradition. Vraiment dommage, vous ne trouvez pas ?
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Je vous le dis avec tristesse: le Mozambique que j'ai aimé se meurt. il ne reviendra jamais. il me reste seulement ce tout petit espace où je me tiens à l'ombre de l'océan. Ma nation est une véranda.
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Aujourd'hui je sais: l'Afrique nous vole notre être. et elle nous vide a contrario: en nous remplissant d'âme.
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Le coupable que vous cherchez, cher Izidine, n'est pas quelqu'un. C'est la guerre. C'est la guerre la coupable de toutes les fautes. C'est elle qui a tué Vasto. C'est elle qui a déchiré ce monde où les gens âgés avaient jadis lustre et légitimité. Ces vieillards qui pourrissent ici, avant le conflit on les entourait. Il y avait un monde qui les aimait, les familles se mettaient en peine pour les vieux. Après, la violence a entraîné d'autres urgences. Et les vieillards ont été expulsés, hors du monde, hors de nous-mêmes.
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Ces vieillards ne sont pas que seulement des gens.
- Que sont-ils alors ?
- Ils sont les gardiens d'un monde. Et c'est tout ce monde-là qui se meurt.
- Pardonnez-moi, mais ces choses, pour moi, sont de la philosophie. Je suis un simple policier.
- Le vrai crime que je vois se perpétrer ici est qu'on est en train d'exterminer les temps d'antan.
- Je ne comprends toujours pas.
- On est en train d'éliminer les dernières racines susceptibles d'empêcher que nous devenions comme vous...
- Comme moi ?
- Oui, monsieur l'inspecteur. Des gens sans histoire. Des gens qui n'ont d'existence que mimétique.
- Du baratin. La vérité, c'est que les temps changent. Ces vieillards sont une génération du passé.
- Mais ces vieillards, c'est en nous qu'ils meurent.
En se frappant la poitrine, l'infirmière insista :
- C'est là, au fond de nous, qu'ils sont en train de mourir.
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Moi, ici présent. Je vais ajouter une autre vérité, encore plus semblable à la réalité : ce mulâtre s'est supprimé lui-même en se servant de mes mains. C'est lui qui s'est condamné, je n'ai fait qu'exécuter son désir meurtrier. Ce que j'ai accompli, l'âme et le corps l'ont fait, mais ce n'a pas été la haine. Je n'ai pas les forces pour haïr. Je suis comme le ver de terre : je n'appelle aucun mauvais vouloir sur personne. Le ver de terre, monsieur l'inspecteur, tel qu'il est, aveugle et plat, qui peut-il haïr ?
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Mais maintenant je demande : on vous a pris quelque chose ? C'est que les vieux, ici, ce sont eux-mêmes qui prennent. Ce n'est pas qu'ils volent. Ils prennent seulement. Ils prennent sans jamais aller jusqu'à voler. Je m'explique : dans cette citadelle persone n'a rien qui lui appartienne. S'il n'y a pas de propriétaire, il n'y a pas de vol. C'est bien comme cela n'est-ce pas ? ,C'est l'herbe ici qui mange la vache.
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Jusqu'à être un jour réveillé par des coups et des trémulations. On trafiquait dans ma tombe. J'ai eu le temps de penser à ma cousine, la taupe, celle qui est devenue aveugle afin de pouvoir regarder les ténèbres, mais ce n'était pas cet animal fouisseur. Des pelles et des bêches profanaient le sacré. Qu'est-ce que, ravivant ainsi ma mort, trifouillaient ces gens ? J'ai tendu l'oreille et j'ai compris : nos dirigeants voulaient me transformer en héros national. M'emballer pour la gloire. Ils avaient déjà fait courir le bruit que j'étais mort au champ d'honneur, en luttant contre l'occupant colonial. Il leur fallait maintenant mes restes mortels. Ou mieux, mes restes immortels. Ils avaient besoin d'un héros, pas n'importe lequel. Il leur en fallait un qui soit de ma race, et de ma tribu et région. De manière à contenter les dissensions, à équilibrer les mécontentements. Ils voulaient mettre l'ethnie sur la sellette, ils voulaient râcler l'écorce pour exhiber le fruit. La nation avait besoin de mise en scène. A moins que ce soit le vice-versa ? Je passais de nécessiteux à nécessaire. Raison pour laquelle ils creusaient pour moi un cimetière, tout au fond de la cour de la citadelle. Lorsque je m'en aperçus, je restai quasi sans contenance.
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