L'amour ça vous tombe dessus, ça vous transperce, ça vous terrasse, ça remet tout en question, ça détruit tous vos équilibres. Mais ça ne se décide pas. C'est toujours plus ou moins un accident. Pas un choix. On ne peut pas simplement le vouloir. Même très fort.
« J’aime pas ça, c’est pas bon ! Lança Sophie en lorgnant le sachet de haricots.
–C’est dommage, répliqua Ambre. C’est moi qui cuisine maintenant, jusqu’à mon départ. Et j’adore ça, les haricots. »
Sophie la sonda avec méfiance.
« Si, je t’assure. J’en cuisine en entrée : salade de haricots. Et en plat chaud : gratin de haricots avec steak haché de haricots. Et le dessert, alors là c’est ma spécialité : flan de haricots avec son coulis de haricots accompagné d’un biscuit croquant aux haricots ! D’ailleurs, tu n’as pas trouvé les céréales aux haricots pour ton petit déjeuner ? Avec du lait et du miel, c’est excellent ! »
Elle, marraine. Avoir une filleule. Ça donnait chaud partout. Ça faisait un drôle d'effet. De le prononcer, dans sa tête : je suis marraine. J'ai une filleule. Ça rendait important. Ça rendait adulte.
Mais tout était usé, tout était noir, tout était éteint à force de vivre et de souffrir comme ça.
Elle avait étouffé sa culpabilité dans le travail, dans l’idée que la distance disloquait de toute façon toutes les amitiés.
Sophinette, continue de sautiller, de chanter, continue de soigner tes poupées, continue de rire, de croiser les bras en boudant, continue de penser que tout le monde est bête, continue de trouver tout si évident, de t'occuper du petit Tim', d'aimer ton papa et de penser qu'il est le plus beau du monde, continue d'être la miniature de ta maman [...]. Continue de croire au Père Noël, aux lutins, continue de porter des bracelets fluo et même tes affreux colliers criards. Sophinette, tu as le temps de grandir...
Après… Après, la vie avait suivi son cours. Elle n’avait plus voulu repenser à cette brève période de sa vie où tout avait été si simple et douloureux à la fois.
Et avec cinq ans de retard, dans cet escalier en colimaçon du chalet plongé dans le noir, elle lui donna son baiser d'adieu, celui qu'elle lui avait toujours dû. Un baiser des plus douloureux. Un baiser chargé de regrets, d'amertume, de souvenirs tristes. Un baiser de héros tragiques.
Nos racines ne sont pas dans notre enfance, dans le sol natal, dans un lopin de terre, dans la prairie encore où jouent les enfants de la maternelle. Nos racines sont chaque lieu que nous avons un jour traversé.