Tous les soirs je me mélange avec des putes, des trav', des clodos, des dealers, et comme si ce petit monde n'était pas assez hétérogène, on a mixé le tout avec des touristes venus du monde entier.
Pour entretenir une liaison avec moi, il y a des règles. Des principes à ne pas enfreindre. Ce n'est pas romantique, je sais, mais nécessaire pour ta sécurité et pour la mienne.
— Mademoiselle, ne vous méprenez pas, si je suis venu de loin, ce n’est pas dans le but d’acheter votre vertu.
Et elle n’en a rien à cirer, Fioretti.
Je saisis sa main pour la porter à mes lèvres, comme s’il s’agissait d’un oiseau tremblant que j’aurais eu peur d’écraser en le serrant trop fort. Elle me détaille, critique, en fronçant les sourcils.
— Il me semble vous avoir déjà vu…
Je m’incline en une sorte de révérence maladroite en signe de respect qui doit paraître désuète et obséquieuse. Normalement, je n’ai pas besoin de ça, que ce soit grâce à ma belle gueule ou à mon porte-monnaie bien garni, je n’essuie aucun refus. Les gens sont superficiels, c’est si tristement facile… Mais avec elle, c’est différent, je veux faire mieux.
— En effet, j’ai eu le plaisir de vous croiser il y a quelques semaines sur Toulon. Mais j’avais envie d’en voir encore davantage. À vrai dire, je… serais curieux de découvrir chaque facette de vos compétences.
J’ai peur qu’elle me saute à la gorge. Ou pas. En fait, l’idée me séduirait assez. Viens à moi, petit oiseau, et je jouerai à chat…
Ses yeux regardent furtivement sur le côté et elle semble mal à l’aise, alors j’essaie de rendre ma voix plus douce encore :
— Pour être parfaitement honnête, je suis venu pour vos talents. Et si le bien-fondé de ma démarche vous échappe, je vous promets de rester protocolaire et de ne plus faire irruption dans votre quotidien. Je m’en tiendrai strictement au cadre professionnel et ne traiterai pas en personne. Mais, s’il vous plaît, accordez-moi ce dernier spectacle.
Tu la supplies, Fioretti, fais attention…
Sa bouche s’entrouvre comme si elle cherchait ses mots et, sous son maquillage, sa peau se teinte d’une nuance délicatement rosée.
— D’accord, concède-t-elle, je vais faire une exception… C’est juste que le cancan n’est pas notre spécialité et ce que vous demandez, à savoir une prestation privée, est une démarche très particulière qui me met mal à l’aise.
Un cancan ? J’ai pas demandé ça, moi ! Je veux juste qu’elle s’effeuille !
— Entendu. Dans ce cas, je tiendrai parole, après cette faveur, je disparaîtrai.
Chapitre 1 : Coma White
«… Puis avance vers moi comme une prédatrice, elle retire la pique à chignon qui retient sa coiffure et, d’un air de défi, me la tend en articulant distinctement un mot qui me fout en vrac :
— Pardon.
J’agrippe le délicat accessoire, comme s’il s’agissait de l’unique clé déverrouillant l’issue de secours d’un entrepôt en feu. Je suis convaincu qu’il y a quelque chose de possible entre nous. L’obscurité qui suit la fin du morceau est oppressant et je ressens un vague soulagement quand a lumière revient peu à peu.
Je la cherche, ça ne peut pas être anodin. Mais je ne la vois nulle part, elle a dû repartir dans les loges. Après quelques minutes d’une attente interminable, je décide de l’y rejoindre. Dans le couloir, je croise quelques jeunes femmes déjà prêtes à partir, quittant les lieux par l’escalier de service. J’intercepte l’une d’entre elles en espérant que Miss Carlotta ne soit pas déjà partie elle aussi.
— Je suis navrée, monsieur, vous arrivez trop tard. Nous n’avons pas le droit d’avoir des contacts avec les clients de toute façon, je suis vraiment désolée…
Je râle, dépité et furieux contre moi-même :
— Non, non ! Elle était là il y a une minute !
J’écoute à peine les voix qui s’élèvent autour de moi m’expliquant le règlement, les usages et tout le reste. De toute façon, je m’en fous, je reviendrai tous les soirs s’il le faut. Mais, face à moi, la jeune femme insiste et pose une main sur mon bras pour attirer mon attention bers sa pique à chignon.
— Monsieur ? Monsieur ! Elle vous a tout de même laissé quelque chose !
Je tire distraitement sur un bout de l’origami en papier japonais imprimé qui orne l’extrémité. Je suis aussi angoissé qu’un lycéen qui découvrir s’il a été reçu au bac. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine et je me fige. c’est une sorte de carte de visite avec ses coordonnées et je découvre avec délice sa véritable identité : Miss Carlotta s’appelle Mahira, Mahira Camps.
Je vais tenir parole et la séduire, comme aucun homme ne l’a jamais fait : en cultivant le mystère.»
Tu es la douceur, la délicatesse, moi la brutalité et la violence.
«-On dit du grand patron qu’il sent le soufre, que sa réputation n’est plus à faire et que son charisme est impressionnant. On parle d’un homme dont les yeux auraient fini par prendre la teinte de l’or qu’il amasse. J’ai sa main dans la mienne, vous dirigez seul, je ne suis pas dupe.
Chapitre 4 : l’homme mystère
Mahira
«… Les filles ont raison, il faut que j’aille de l’avant. Il est temps de percer le mystère. Je prends mon téléphone et lui envoie un message.
Il me faut plus.
Bien sûr, je n’ai pas de vibrations en retour….»
Deux âmes n'ont pas besoin de se toucher pour comprendre qu'elles s'appartiennent.