Citations sur Voyage d'une parisienne à Lhassa : A pied et en mendian.. (50)
Le soleil merveilleux de l'Asie centrale illuminait le paysage, intensifiait les couleurs, faisait rayonner les montagnes blanchâtres à l'horizon. Tout vibrait, gorgé de lumière, semblant prêt à se transformer en flammes... Spectacle inoubliable qui, à lui seul, m'eût payée des fatigues que j'avais endurées pour le contempler.
Pendant deux mois je circulerai dans la Rome thibétaine, j'en parcourrai les temples et me promènerai sur les plus hautes terrasses du Potola sans que nul ne se doute que, pour la première fois depuis que la terre existe, une femme étrangère a contemplé la ville interdite.
Là encore, je ne pus que donner un peu d'argent et passer mon chemin... " Passer son chemin ", n'est-ce pas ce que l'on est contraint de faire chaque jour, le coeur serré, impuissant que l'on est à soulager les innombrables malheureux gisant le long de tous les chemins du monde.
Remarquant un viellard marchant d'un air receuilli autour d'une chapelle, je voulu jeter un coup d'œil sur la statue ou le tableau qui s'y trouvait. A mon grand étonnement, je ne vis qu'une pierre rougeâtre sur laquelle étaient inscrits des chiffres: 135 ou un nombre quelconque. Etrange! Mes connaissances concernant le lamaïsme se trou- vaient en défaut. De quoi s'agissait-il? Il me fallut quelques minutes pour éclaircir le mystère de ce symbole.
Les études orientales ménagent bien des surprises; mais, quant à quoi, je n'aurais jamais imaginé qu' elles dussent me conduire à découvrir le culte des bornes kilométriques.
Malgré le froid qui me faisait frissonner, je demeurai longtemps dehors, errant à travers cette sauvage station estivale merveilleusement éclairée par une énorme et brillante pleine lune.
Combien je me sentais heureuse d'être là, en route vers le mystère de ces cimes inexplorées seule, enveloppée de silence, « savourant les délices de la solitude et du calme», comme dit un passage des Ecritures bouddhiques.
Debout, près du cairn au sommet du col, nous exclamâmes joyeusement de toute la force de nos poumons :
- Lha gyalo! Dé Tamtché pham!...
Les dieux triomphent, les démons sont vaincus!
Évidemment mes goûts sont ceux d'une sauvage.
"Passer son chemin", n'est-ce pas ce que l'on est contraint de faire chaque jour, le coeur serré, impuissant que l'on est à soulager les innombrables malheureux gisant le long de tous les chemins du monde.
– C'est toujours votre tour d'être malade lorsqu'un malheur arrive, grommelle Yondgen entre ses dents
Je m'endormis pourtant bientôt, tenant ma bouteille en caoutchouc étroitement serrée entre mes bras, sous ma robe, non certes pour qu'elle me réchauffât, mais par un renversement inusité de nos rôles, afin d'empêcher le liquide qu'elle contenait de geler.