Comme l'écrivait la princesse Bibesco, la Roumaine, l'amie de Proust, à propos de la France qui l'avait accueillie : « L'obligé, en amour, c'est celui qui aime. » Simone Signoret est des nôtres, parce qu'elle aimait assez l'illusion pour donner le spectacle du vrai. Et qu'elle aimait trop la vérité pour ne pas reconnaître la beauté de l'illusion. Et qu'en même temps, elle était lucide. Sur elle-même, sur ses joies, ses chagrins, ses peurs. Et sur son époque, presque toujours, en tout cas à la fin de sa vie.
1401 - [Le Livre de poche n° 4294, p. 18]
Un beau sujet, vraiment, comme on dit entre journaliste quand le rédacteur en chef vous demande un article sur Lou Andreas-Salomé ou un reportage en Chine. On est content, on sait qu'on va apprendre des choses, découvrir des mondes. C'est à la fois exaltant et intimidant, on n'est jamais tout à fait sûr d'être à la hauteur. Des articles, on peut en avoir écrit des centaines, on embarque chaque fois pour un nouveau voyage. Rien n'est acquis pour ces éternels débutants que sont les journalistes. Du moins ceux qui refusent de se recopier eux-mêmes ou de remplacer la réflexion par l'usage des formules ou des ficelles du métier. Quand il s'agit d'un livre, la timidité est encore bien plus grande, à la mesure du désir de bien faire, de tracer un portrait fidèle et juste qui ravive le souvenir du modèle sans le trahir et sans l'affaiblir.
1380 - [Le Livre de poche n° 4294, p. 13]
Sans doute, ne devient-on pas un monstre sacré sans avoir une personnalité assez forte pour reconnaître en soi la part d’ombre et lui donner sa juste place.
... j'ai l'intime conviction - sans laquelle je n'aurais jamais écrit ce livre - que la véritable naissance de Simone Signoret n'a eu lieu que bien plus tard encore, dans son âge mûr, alors qu'elle a réussi à s'engendrer elle-même, seule, loin des foules. En puisant dans le fond de son cœur des mots très anciens et très neufs, elle réalisait enfin son désir secret, son rêve de toujours, longtemps masqué par son amour du cinéma : devenir écrivain. En écrivant, elle échappait au narcissisme, au règne tyrannique de sa propre image. Accèdent à la création, à l'imaginaire, elle se recréait elle-même, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.
1411 - [Le Livre de poche n° 4294, p. 23]
En écrivant, elle échappait au narcissisme, au règne tyrannique de sa propre image.
On a dit beaucoup de choses sur Simone Signoret mais ce qui est sûr c’est qu’elle était capable de reconnaitre ses erreurs
Quand la réalité lui paraissait vide ou inquiétante, elle pensait à une phrase de Montand et elle redémarrait, « dans le fond nous on est des survivants »
Simone Signoret était toujours émue par ces murs d'immeuble qui n'ont jamais été repeints et où se devinent encore, sous la poussière, les traces d'une publicité pour un produit depuis longtemps disparu. Dans ces lettres à demi effacées, archives urbaines d'un état antérieur du commerce, elle reconnaissait une métaphore saisissante de la nostalgie, ce mot doux-amer qu'elle trouva un jour inscrit à la peinture rouge sur les murs de New York et ont elle fit le titre de son premier livre.
1422 - [Le Livre de poche n° 4294, p. 26]