Quand ils furent partis, je bouclai mes deux valises, avec la caméra qui ne pesait que trois kilos, les bandes du magnéto et les bobines de film. Je décidai d'abandonner le trépied et le magnétophone, ainsi qu'un costume, une veste sport et deux paires de chaussures. Je fis monter l'employé de la réception, lui annonçai que je lui laissais le tout, et que cela suffirait amplement à payer la réfection des peintures de la chambre. Il repartit d'un air égaré. Puis je me masturbai dans les draps propres, avec un sentiment de joie étrange et vide, le plaisir froid et indifférent de ces moments où l'on ne prévoit rien, et où tout ce qu'on laisse derrière soi semble un poids mort tout juste bon pour les offices du bas clergé. Je descendis, et entassai la radio dans l'une des valises. Puis je partis pour la première étape du second voyage, le grand bond dans les profondeurs de l'Amérique, le rêve des terres sauvages de tous les poètes et de tous les chefs scouts, vers l'ouest, vers notre destinée manifeste, vers les arbres rouges souverains et les sables peints, vers les collines transfigurées par l'or, vers l'ouest pour assortir les ombres de mon image et de mon être.