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Marianne Véron (Traducteur)
EAN : 9782742753208
221 pages
Actes Sud (07/02/2005)
3.26/5   319 notes
Résumé :
New York, avril 2000. Bloqué dans sa somptueuse limousine par un embouteillage géant qui paralyse Manhattan, Eric Packer, golden boy de vingt-huit ans, assiste au crépuscule du système qui a porté sa compagnie au firmament de la galaxie Wall Street.

Les yeux rivés sur les cours d'une monnaie dont il a parié la chute et qui remonte contre toute attente, tétanisé par l'irruption dans son monde virtuel d'un réel ensauvagé qui embrase les rues de la ville... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (49) Voir plus Ajouter une critique
3,26

sur 319 notes
Ouvrage Visiblement Non Identifié…

Est-ce un roman d'anticipation ? Ou bien un roman noir ? Ou peut-être tout simplement, cet OVNI littéraire n'appartient-il à aucun genre ?
Concernant le contenu proprement dit de ce roman américain, « On Visite New Iork » sans Y caractériserait plutôt bien cet ouvrage de DeLillo sachant que de nombreuses rues de New York sont interdites à la circulation aujourd'hui pour cause de visite présidentielle.

Non, non, Don DeLillo n'a pas écrit sur le président des Etats-Unis mais sur un Golden Boy de la finance. Eric Packer, vingt-huit ans, dirigeant de sa société, quitte son immeuble luxueux de Manhattan par un des ascenseurs diffusant une musique d'ambiance au piano et s'engouffre dans une limousine blanche pour la journée. Direction… on ne sait pas bien en fait ?

Mais pourquoi donc Eric veut affronter les embouteillages annoncés aujourd'hui ? Quelle mouche l'a piqué ce matin au point de ne plus écouter les conseils de ses collaborateurs ?

Eric va-t-il bientôt courir le marathon de New York et pour ce faire doit-il mémoriser le parcours en suivant la ligne bleue (la ligne idéale à suivre) ? Non, Eric ne m'a pas l'air très sportif.

Autre supposition ! Eric a une rage de dent et doit trouver un dentiste en plein mois d'aout ? Non, mais Eric va tout de même de procéder à un check-up médical complet dans sa limousine pour parer à tout risque sanitaire. Hum, hum…

Plus surprenant encore … Eric aurait-il les cheveux ébouriffés depuis qu'il a misé un énorme paquet de pognon sur la baisse du yen alors que l'indice nippon n'arrête pas de monter ? Eric se trouverait-il donc dans un besoin urgent de faire appel à un coiffeur japonais ? Ha, bien sûr, j'exagère un tout petit peu la situation mais je ne suis pas si loin que ça de la vérité.

Prétextant le coup du coiffeur, Eric ne se prive de quelques petites incartades infidèles malgré les nombreuses rencontres plus moins fortuites qu'il aura aujourd'hui avec sa femme Elise ? Désolé, mesdames, mais je dois avouer qu'Eric a une vision de la femme plus ou moins réduite à un objet sexuel. En résumé, soit il les imagine nues, soit elles finissent dans son lit !

A partir de ce constat, je vous laisse en compagnie d'Eric, son chauffeur Ibrahim Hamadou, et son garde du corps Torval , d'origine Tchec (oui, oui, cela a son importance !), pour une journée tout frais compris à bord d'un limousine très confortable avec un max de gadgets électroniques derniers cris. Bon voyage, vous avez 24 heures, c'est parti !

Initialement, je souhaitai découvrir Don Delillo par « Libra » et je me suis reporté sur « Cosmopolis » faute de l'avoir trouvé. Même si cet ouvrage est assez controversé comme l'est l'adaptation du film de Cronenberg sorti en 2010, j'étais décidé à me faire ma propre opinion de ce livre plutôt court dont le titre est accrocheur.

Cosmopolis, rédigé avant la crise de 2008, dénonce la froideur absolue de la finance à travers le portrait d'un homme dont la vie bascule en une seule journée. Pour comprendre pleinement « Cosmopolis », dont le style de l'écriture est plutôt remarquable, je pense qu'il faudrait le lire plusieurs fois afin d'assimiler les nombreux passages du livre plutôt complexes.

Malheureusement, je n'ai pas été suffisamment séduit par l'ouvrage pour me lancer dans une nouvelle lecture hormis le début avant le trajet en limousine. Bien qu'il y ait de nombreux personnages et beaucoup d'événements sur le trajet d'Eric et sa limousine, je suis resté bien trop souvent un passager clandestin de ce récit et je n'ai pas réussi à avoir la moindre empathie pour ce personnage vraiment inhumain et puant la décharge sexuelle comme le dit sa femme, pourtant encore vierge semble t-il.

Cela étant dit, cette lecture reste une découverte originale et plutôt mystérieuse. Pour les amateurs de Robin Cook, j'ai noté une coïncidence troublante avec la scène finale de « J'étais Dora Suarez » dans un contexte évidemment très différent.

Je vous souhaite une bonne ballade à travers New York si la lecture de Cosmopolis vous en dit et pour ma part, je retenterai l'aventure avec Don en croisant Libra, oh plutôt les doigts que ma prochaine rencontre avec l'auteur américain soit meilleure qu'avec cet OVNI littéraire…
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Erick Packer, golden boy new-yorkais âgé de vingt-huit ans, est bloqué dans un embouteillage géant qui paralyse Manhattan. le héros de « Cosmopolis » est un génie de la finance qui lit dans les cours des actions et des devises une manifestation mathématique de la perfection symétrique de l'univers. En ce printemps 2000, il est l'une des richissimes figures iconiques de New-York et spécule massivement sur une baisse du yen.

Confortablement installé dans sa munificente limousine, Eric tente de se rendre chez le coiffeur, et assiste incrédule à la remontée incompréhensible de la monnaie japonaise. Les membres éminents de sa société se succèdent dans le véhicule high tech pour faire le point sur une situation devenue inquiétante, tandis que ses gardes du corps s'inquiètent pour sa sécurité, qui fait l'objet d'une menace diffuse.

« Cosmopolis » évoque « American Psycho » le roman culte de Bret Easton Ellis paru douze ans plus tôt. Son protagoniste principal Eric Packer, fait songer à un personnage devenu emblématique, Patrick Bateman, le conseiller en gestion de patrimoine de Wall Street qui avait défrayé la chronique en 1991.

Eric et Patrick sont chacun à leur manière, deux surdoués de la finance à l'égo boursouflé, deux figures archétypales de Manhattan, dont la trajectoire en forme de cauchemar révèle la véritable nature : nous avons affaire à deux authentiques psychopathes, qu'il est curieusement difficile de détester.

Au-delà de la similitude troublante entre les deux personnages, jeunes, beaux, imbus d'eux-mêmes et avides de conquêtes féminines, c'est l'itinéraire en forme de parabole de ces deux enfants gâtés qui m'a donné l'impression de relire plusieurs décennies plus tard, une nouvelle satire au vitriol du néo-libéralisme. L'univers gangréné par la finance et la technologie des deux romans évoque davantage un tableau de Jérôme Bosch que la promesse des années quatre-vingts, ce rêve utopique d'un monde qui ne serait qu'« ordre et beauté, luxe, calme et volupté ».

Tandis que Bret Easton Ellis parodie le genre du film d'horreur au travers de séquences d'une violence inouïe, Don DeLillo parsème son récit de scènes franchement triviales, dont la plus mémorable est celle qui nous apprend l'asymétrie de la prostate de Packer.

L'approche plus « intellectualisante » de « Cosmopolis » qui s'attarde sur la lecture mathématique de l'univers de son héros à l'orgueil démesuré, diffère totalement de celle d'« American Psycho » qui revient ad nauseam sur le culte de l'apparence. Les deux romanciers poursuivent pourtant le même but : se placer au coeur du réacteur du système pour écrire la chronique de la mort annoncée d'un monde dont Mammon est devenu le Dieu unique et tout puissant.

Si le cauchemar éveillé de Patrick Bateman m'avait frappé tel un uppercut, le parcours immobile d'Erick Packer m'a laissé à distance. Cette déception relative m'a rappelé « Ardoise », un livre superbe où Philippe Djian rend hommage aux grands écrivains qui l'ont conduit à se lancer dans l'écriture, Kerouac, Brautigan, Carver et Cendrars pour ne citer que mes préférés. Dans un passage émouvant, Djian évoque les nuits blanches de sa jeunesse passées à dévorer Faulkner, le bruit et la fureur, cette sensation d'éblouissement propre à la découverte des grands auteurs. On sent poindre une forme de nostalgie lorsqu'il confesse que cette intensité est vouée à s'atténuer au fur et mesure que les lectures s'accumulent et que les années passent.

Mon ressenti mitigé à la lecture de « Cosmopolis » est peut-être une confirmation de l'intuition de Philippe Djian, et je n'ai pas la moindre idée de ce que je penserais d'« American Psycho » si je le découvrais aujourd'hui. « Avec le temps, va ... »
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Cosmopolis, par Don DeLillo. Éric Packer est un golden boy, un homme de la finance, au faîte de sa richesse et de sa puissance. Il a 28 ans et un appartement qui a autant de pièces, avec un requin dans un bassin et une piste d'atterrissage sur le toit. Intelligent, cynique, il n'en est pas moins insomniaque et n'est pas épargné par des doutes, une certaine morosité, des pressentiments. Dans sa limousine, entouré de gardes du corps, il donne le change, séduit physiquement ou intellectuellement par ses collaboratrices, sa garde du corps et même sa fraîche épouse, Élise. Tout au long de cette journée d'avril 2000 où il circule dans New-York, il croisera cette dernière, par hasard ou non, et s'en rapprochera, scellant son destin au sien. Leurs rencontres insolites sont une des énigmes de ce roman.
La limousine d'Éric, luxueuse, est bardée d'écrans, d'infos, de graphiques, de caméras. Observé depuis son bureau, informé qu'il est sous le coup d'une «menace crédible» (d'être assassiné), il suit le cours du yen qui n'arrête pas de monter, contre toute logique. Ce jour, la ville est en effervescence, on circule au pas, il est question du passage du Président, mais on assiste plutôt à une révolte populaire anarchiste qui prend la limousine pour cible. On traverse New-York, ses quartiers, ses lieux branchés, ses zones délabrées et sa misère, et puis un défilé mortuaire imposant, une star du rap d'inspiration soufie venant de mourir. Comme une prémonition pour Éric. Celui-ci, qui pleure alors, n'est pas la machine sans âme que l'on pouvait croire, dans un jugement trop rapide.
Éric, sous le coup de sa «menace crédible», sait que son heure approche, mais il est obsédé par le besoin de se faire couper les cheveux, ou par les femmes, ou par le désir d'être dépossédé, ruiné : son pari que le yen va enfin chuter est perdu, les devises s'effondrent, les banques font faillite en masse. Il achète frénétiquement tout le yen qu'il peut, jusqu'à faire fondre ses fonds et ajouter au grand désordre monétaire. Il perd sa fortune et celle de sa femme. L'a-t-il fait exprès ? Il avait exprimé sa volonté d'accéder à une sorte de pureté, de dépouillement.
On comprend qu'on affaire à un personnage désabusé, mélancolique, qui s'interroge sur son destin et celui du monde, qui cherche le sens des choses, des mots, des actions, qui flaire sa fin, la comprenant comme un aboutissement. N'espère-t-il pas plutôt une renaissance ?
Don DeLillo est un auteur complexe, laissant toujours planer un certain mystère, à l'aise dans le malaise, essaimant interrogations, dialogues surréels, formules tranchantes en apparence définitives ou au contraire débouchant sur un vide inquiétant. Cet auteur est à la poursuite de fantômes : il ne raconte pas une histoire, n'écrit pas un roman avec des personnages aux contours nets et une intrigue ficelée, la construction du récit, le texte sont criblés de séquences et de propos énigmatiques. Don DeLillo écrit une dramaturgie, à thème qui plus est. de quel thème s'agit-il donc ? Eric et sa trajectoire tragique ne sont pas seulement un prétexte à produire du vague à l'âme, pas plus que New-York, la limousine, les gardes du corps, et moins encore les spéculations financières. Cosmopolis est une dénonciation du capitalisme mondialisé dont il anticipe les crises à venir, d'un système déshumanisé, technologique qui mène au chaos, à la révolte, à la mort.
L'ostentation du comportement du personnage principal, ses saillies provocatrices, la profusion de scènes violentes, l'alternance avec des séquences sexuelles, tout cela pourrait laisser le sentiment d'une subversion à bon compte littéraire, convenue, voire grossière, mais je préfère retenir les effets de l'écriture, le côté hagard, halluciné, onirique, le style haché, sec, ébauché et ouvragé à la fois. le lecteur peut être laissé en plan, il est quand même tout le temps rattrapé, comme au sortir d'un rêve.
Un roman saisissant.
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New York, avril 2000. le golden boy Eric Packer veut se faire couper les cheveux et tente de traverser Manhattan à bord de sa limousine. Rues bouchées, menaces imminentes, personnages lunatiques brutalement arrachés au décor pour être projetés dans l'habitacle. Eric reçoit ses collaborateurs, ses maîtresses, court après sa femme, assiste à la fin du monde. Qu'en restera-t-il à la fin de cette allégorique journée ?

Le roman est dédié à Paul Auster, j'ai d'ailleurs lu ici et là des critiques le comparant à la Trilogie new-yorkaise et je cherche encore le rapport. Il y a bien New York, certes, mais on est un peu loin de la célébration austérienne. Voire on est un peu loin de New York tout court, qui ne sert pas de cadre, à peine de panorama. le cadre du roman reste la voiture, un espace fermé, isolé du monde par un capitonnage en liège, exsudant l'argent et la modernité. Chaque personnage qui entre dans la voiture est happé hors du monde, hors du temps, réduit à sa propre voix, un dialogue avec le maître des lieux. Là où DeLillo décrit un monde qui dérive lentement à travers le regard las de Packer, Cronenberg fait défiler un mauvais film sur les vitres-écrans, avec ce léger décalage censé indique que oui, il s'agit bien d'un film sur un écran, un collage, qu'on cherche en vain la vraie vie. Hors la voiture qui stagne dans la ville à la manière d'un vaisseau-mère (il y a tellement peu de mouvement que les gardes du corps marchent à côté), l'espace et le temps sont réduits à leur simple mention, sans incidence réelle.

Dans ce cadre qui n'a jamais si bien mérité son nom, un protagoniste poursuit un but et des gens se parlent. Et c'est tout. Il n'y a pas de rebondissement, pas de péripétie. Pas de surprise, car on comprend très vite que tout cela est une tragédie au sens le plus littéraire du terme et que les choses se dévoilent au lieu d'advenir. Eric Packer veut se faire couper les cheveux. Il se rend dans le salon miteux de son enfance, ce qu'on pourrait presque lire comme une volonté de revenir aux sources, de retrouver un état perdu, avant de se dire que toute tentative de lecture psychologisante est une erreur de principe. Il traverse New York un jour de manifestation, se trouve pris dans une émeute, puis dans le cortège funèbre d'une star du rap, mais ce ne sont que des fioritures. L'essence du personnage est d'aller d'un point A à un point B, d'être une volonté qui s'accomplit. Les divers éléments narratifs s'organisent donc autour de cela, mais aucun ne vient réellement changer le cours de l'histoire, ou le caractère du personnage. J'ose à peine employer ce terme, en fait. L'Eric Packer de DeLillo est un poncif ambulant, sans mauvais jeu de mot. Un grand vide émotionnel. Arrière-plan minime (on saura juste que sa fortune immense inclut sa grande jeunesse, une start-up et la gestion de l'information financière), il semble n'exister qu'ici et maintenant dans l'espace de la stretch limo customisée, durant cette journée particulière d'avril 2000. Pas d'affect, pas d'histoire, pas de chair, l'ego pour la forme. Par conséquent, la grande réussite du roman sera aussi son grand échec : il n'y a pas de chair. D'où le grand reproche, si tant est que c'en est un, fait au livre comme au film : il est absolument impossible de s'identifier au personnage principal, ce qui semble pourtant une convention artistique courante. Je ne suis même pas certaine qu'il s'agisse d'un personnage, avec toutes les connotations que cela entraîne. Une allégorie, plutôt. Une pure image dont la seule valeur est de donner forme à une idée. Forme, disais-je et non incarnation : les diverses manoeuvres d'Eric pour s'incarner, au sens propre, qu'il s'agisse d'interaction avec d'autres corps, de conscience du sien ou de retour supposé à l'enfance, sont des non-événements. À peu de choses près des échecs car il n'y a jamais de communication. Les personnages ne dialoguent pas, ils parlent les uns à la suite des autres, pour ainsi dire. Certains échangent des idées, la plupart se contentent d'entendre le Verbe. La parole du Marché. Je simplifie un peu, mais Eric Packer ne peut pas être une personne, ni même un personnage, parce qu'il est Dieu, en tant que principe de la marche du monde. Ou plutôt, cette variation de Dieu nommée Argent et Marché. L'Argent est Dieu, parce que l'Argent est le Temps (et non l'inverse), parce qu'il est le principe, la cause et la finalité. Parce que rien n'existe en dehors de lui, pardon je reformule : rien ne se pense en dehors de lui. Peut-on au moins envisager une Rédemption ? On sait ce qui arrive aux divins rejetons. Ils deviennent humains en intégrant leur propre disparition. Cela m'avait frappé à la lecture, moins au cinéma qui par nature tire le propos vers l'humanisation, cette dimension peut-être pas christique, mais sans aucun doute métaphysique de Cosmopolis. Humanisation ? Peut-être Eric cherche-t-il l'humanité, tout au long de cette journée de déconstruction où un simple battement d'aile – le comportement imprévisible d'une monnaie asiatique – provoque sa chute. Si l'on suit sa propre logique, à savoir que tout écart n'est jamais que la manifestation ultime de la logique du Marché, il ne la trouve pas.

Si l'on résume à outrance, il s'agit d'un homme trop riche qui néglige un paramètre et se brûle les ailes. La belle affaire. Aussi éclairant et intelligent que soit le propos, il n'y a pas grand-chose de nouveau sous le soleil. Et même si je serai ravie de continuer à lire Don DeLillo, il n'y a pas de prophète. Nous sommes en 2012, le roman date de 2003, l'action se déroule en 2000, soit avant Kerviel, Madoff, la crise financière, le procès de l'hyper-richesse, le Capital qui survit à lui-même. Rien de ce qu'avancent DeLillo et Cronenberg ne nous est inconnu, puisque nous vivons dedans. Et s'il y a bien prêche, l'audience est déjà convertie. Reste le verbe, du coup. Des scènes marquantes, des formules aux allures de révélation
Lien : http://luluoffthebridge.blog..
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Chacun connaît l'histoire du type qui tombe d'une tour de 50 étages et qui se répète au fur et à mesure de sa chute : « jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien… mais (pour ceux qui auraient oublié la fin) l'important c'est pas la chute : c'est l'atterrissage. »
Cosmopolis c'est l'histoire inverse : celle d'un Golden boy plein aux as qui décide de quitter son Triplex de 104 millions de dollars, perché sur une tour de 89 étages. Et qui, une fois dans sa Limousine, en route pour aller se faire couper les cheveux , va connaître une chute aussi rapide que vertigineuse. Et qui, tout au long de cette journée « Capitale », ne va cesser de penser « rien ne va plus (ma prostate), rien ne va plus (le cour du Yen), rien ne va plus (mon mariage)… rien ne va plus (dans cette ville) » mais qui pourrait bien être satisfait de sa chute finale.

Dans un style proprement époustouflant, déroutant, chahuté, fracturé mais aussi pénétrant, beau, envoûtant voire hypnotique, Don DeLillo raconte sans doute encore bien plus. Nombreux insistent sur la place de New York dans son roman. La ville monde s'il en est : Cosmopolis. Mais au sens propre Cosmopolis pourrait tout aussi bien renvoyer à la notion d'ordre, de justesse voire de justice (cosmos en grec ancien désigne l'ordre aussi bien que l'univers et les cosmétiques tirent leur nom de leur qualité à remettre en ordre une beauté qui l'aurait perdu).

Peut-on croire en un ordre aussi superficiel et cruel que celui qui s'incarne dans nos villes tentaculaires, où chacun méconnaît son prochain ? Car tel est le projet de ce vivre ensemble-là : accolés plutôt que collectifs, disponibles plutôt que disposés, obnubilés plutôt que satisfaits. Concurrents plutôt que solidaires. Divisés pour de pures questions de devises. Cosmopolis bouscule par son style et ses images, sa violence sans demi-ton. Un Ovni littéraire (pour beaucoup) qui en soi. déjà, mérite d'être lu. Mais il me semble plus radicalement encore révolutionnaire. Si un spectre doit hanter le monde de la littérature, j'aimerais qu'il soit celui-là.
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critiques presse (1)
Lexpress
01 août 2012
Un roman-catastrophe sur lequel Don DeLillo a greffé toutes les inquiétudes de son époque.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
Elle était riche, il était riche ; elle était héritière, il s’était fait tout seul ;
elle était cultivée, il était brutal ; elle était fragile, il était fort ; elle était doué, il était brillant ;
elle était belle.

Lui, Eric; elle, sa femme Elise (vous noterez que le physique d’Eric reste une énigme, mesdames)
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Un escalier menait à la galerie du premier étage, et une femme était assise sur les marches, elle, sans confusion possible. On discernait une certaine qualité dans sa posture, une légèreté de maintien, et puis il vit qui c'était. C'était Élise Schifrin, sa femme qui lisait un livre de poésie.
Il dit : "Récite-m'en un."
Elle leva la tête et sourit. Il s'agenouilla sur la marche au-dessous d'elle et posa les mains sur ses chevilles, admirant ses yeux laiteux au-dessus du bandeau du livre.
"Où est ta cravate ? dit-elle.
–J'ai eu mon check-up. Vu mon coeur sur un écran."
Il glissa ses mains le long des mollets jusqu'aux creux derrière les genoux.
"Je n'aime pas dire ça.
–Mais.
–Tu sens le sexe.
–C'est le rendez-vous avec mon médecin que tu sens.
–Je sens le sexe sur toute ta personne.
– C'est quoi. C'est la faim que tu sens, dit-il."
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J'ai deux ascenseurs personnels, maintenant. L'un est programmé pour jouer des airs de piano de Satie et monter et descendre au quart de la vitesse normale. C'est ce qu'il faut pour Satie, et c'est l'ascenseur que je prends quand je suis, disons, d'humeur incertaine.
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Il dit: "Vous auriez dû écouter votre prostate.
- Quoi?
- Vous vous efforciez de prévoir les mouvements du yen en vous inspirant des modèles naturels. Oui, bien sûr. les propriétés mathématiques des anneaux des arbres, des graines de tournesol, les filaments des spirales galactiques. J'ai appris ça avec le baht. J'adorais le baht. J'adorais les harmonies croisées entre la nature et les faits. C'est vous qui m'avez enseigné cela. La façon dont, au plus profond de l'espace, un pulsar suit des séquences de nombres classiques, qui peuvent à leur tour décrire des fluctuations d'une action ou d'une devise donnée. C'est vous qui m'avez montré ça. Comment les cycles des marchés sont interchangeables avec les cycles temporels de la reproduction des sauterelles, de la culture du blé. Vous dotiez cette forme d'analyse d'une précision horrible et sadique. Mais vous avez oublié quelque chose d'horrible en route.
- Quoi?
- L'importance de l'asymétrique, du truc qui est un peu de guingois. Vous cherchiez l'équilibre, le splendide équilibre, les parts égales, les côtés égaux. Je le sais, je vous connais. Mais vous auriez dû traquer le yen dans ses tics et ses bizarreries. La petite bizarrerie. Le défaut de fabrication.
- Le défaut de tissage.
- C'est là qu'était la réponse, dans votre corps, dans votre prostate."
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L’argent falsifie le temps. Autrefois c’était le contraire. Le temps d’horloge a accéléré la montée du capitalisme. Les gens ont cessé de penser à l’éternité. Ils ont commencé à se concentrer sur les heures, les heures d’homme, en utilisant la main-d’œuvre plus efficacement.
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White Noise | Teaser officiel VOSTFR | Netflix France. Inspiré du roman "Bruit de fond" de Don DeLillo, WHITE NOISE (2022) est un film de Noah Baumbach avec Adam Driver et Greta Gerwig.
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