L'héritage

Héritage, ce mot semble à la fois porter la tristesse et les prémices d'un avenir sensible à la nostalgie du passé. Triste, car il sous-entend un décès, et beau parce qu'il envisage un renouveau sans pour autant oublier ceux qu'on a aimés.
Mais hériter d'une personne que l'on ne connait pas, cela doit-il être déstabilisant ? Dérangeant ? A-t-on le droit de l'accepter sans qu'une once de culpabilité ronge l'humain lorsqu'il n'a pas de réponses à ses questions ? Faut-il chercher la vérité qui se cache derrière cette hérédité inconnue de crainte de soulever encore plus d'interrogations ? De secrets ? Alors que nous portons déjà un lourd passé à bout de bras, tant bien que mal, avec beaucoup de difficulté, avec une envie de le balancer au fond d'un puits, rêvant d'une vie meilleure.

Joseph garda le visage penché vers le sol, ne haussant que très légèrement le regard. L’unique personne qu’il craignait, c’était elle. Il l’a haïssait autant qu’il l’adulait.

Nathalie ne tarda pas à lui montrer l’océan dans toute sa splendeur. Il en avait déjà savouré chaque note mais, en grand amoureux lui aussi de cette étendue bleue, il ne pouvait s’empêcher d’être en admiration. Selon lui, rien ne pouvait égaler cette beauté sauvage qui s’offrait à eux. La jeune femme restait à ses côtés, en silence, contemplative. Le vent fouettait les vagues qui s’écrasaient sur les rochers en contrebas dans un bruit à la fois effrayant et paisible. À chaque ressac, même brutal, une légère brume s’envolait jusqu’au sommet de la falaise, là où Marius et Nathalie profitaient de la tranquillité du moment présent.

Elle appréciait la ponctualité. Dans son métier, c’était essentiel. À première vue, elle ne semblait pas faire partie du même monde que son père. Mais en discutant avec elle, on comprenait qu’elle cachait bien son jeu. Son naturel et sa spontanéité ne collaient pas avec ce que l’on imaginait d’un notaire.

À force de s’enfermer dans sa tour dorée et de refuser de côtoyer le monde, il se rendait compte qu’il était passé à côté de beaucoup de choses simples telles que des discussions avec des étrangers qui ne le reconnaissaient pas. Ils voyaient seulement en lui un homme à la recherche de ses racines, même s’il ne précisait jamais le manoir Faure, mieux connu sous le nom du Belvédère, célèbre par-delà la région de Saint-Brieuc.

Grande amoureuse de la mer et des falaises, elle l’invita à passer la journée de samedi avec elle, à sillonner les lieux peu touristiques, connus uniquement des gens de la région. Cela signifiait qu’il devait prolonger son séjour. Le sentant réticent, elle fit glisser ses doigts sur ceux de Marius. Il apprécia le geste après avoir laissé l’étonnement de côté. Les yeux dans les yeux, fébriles, ils communiquaient sans prononcer une parole. Chacun imaginait parfaitement les pensées de l’autre.

Elle le draguait ouvertement et ne s’en cachait plus. Elle était belle, intelligente, avait de la discussion et de la répartie. Marius ne demandait pas mieux que d’apprendre à la connaître. Mais paradoxalement, cette histoire commençait à le ronger trop en profondeur pour accepter de poursuivre sur cette voie.

Il regrettait d’avoir agi de la sorte, mais il refusait de subir des scènes de jalousie. Selon lui, il n’y avait pas d’amour entre eux, juste du sexe, et si cela n’était que dans un sens, tant pis pour elle. Dans le fond de la salle du restaurant, il trouva une place au calme qui lui convenait parfaitement.

Je sens bien que vous faites tout pour me dégoûter, me faire partir. Mais je ne me laisse pas facilement faire ! lui dit-il droit dans les yeux, espérant que son mensonge ne paraîtrait pas sur son visage.

Grâce à l’écriture, à son succès, à sa notoriété, il avait réussi à faire le deuil de son enfance pourrie, qui ressemblait plus à un cauchemar qu’à un conte de fées. Aucun bon souvenir ne lui revenait en mémoire, aucun ! Même en cherchant bien. Dans son malheur, il avait eu la chance de ne pas hériter de la santé mentale de sa mère.