On ne se voit quasiment plus. On déjeune vaguement ensemble, de loin en loin. On ne sait plus quoi se dire. On devient des étrangers. Ça s'étiole, forcément. Déjà les souvenirs de ma vie avec lui s'effacent. Ou plutôt ils sont là quelque part mais ils ne me sautent plus à la gorge.
Bien sûr je suis lasse de moi-même. Lasse de me défaire trop tôt, trop vite, des gens, des choses. D'y replonger toujours, comme un tox le nez dans la poudre, deux jours ou deux mois, et de me réveiller un matin avec une impression de gueule de bois. Ça me fait crever d'aimer comme ça parfois.
la juge fixe le tatouage qui dépasse de ma manche, me demande pourquoi j'écris un livre et sur quoi, pourquoi j'ai parlé de mon homosexualité à mon fils, elle dit que ça ne regarde pas les enfants ces choses-là, elle dit qu'on ne parle pas de droit, là, qu'on parle de morale, que je peux comprendre, que je suis intelligente.
Ce qui m’intéresse dans l’homosexualité ce n’est pas les filles que je baise, c’est la fille que je deviens.
J'aime le sexe comme j'aime regarder les gens dans la rue, comme j'aime les voir passer devant moi sans les connaître, pour ce mélange de très près et de très loin. [...] J'aime les premières fois parce qu'elles changent la vie sans changer la vie. Pour l'événement pur. Pour l'innocence.
J'aime le sexe comme j'aime regarder les gens dans la rue, comme j'aime les voir passer devant moi sans les connaître, pour ce mélange de très près et de très loin. J'aime les premières fois, les coups d'un soir. J'aime les premières fois pour m'éprouver mauvais coup, on est rarement bon la première fois, moi en tout cas, parce que ce n'est pas grave, parce que rien n'est grave la première fois. J'aime les premières fois parce que j'aime le sexe sans rien, rien qui rassure, rien qui oblige, sans amour, sans discours, sans précédent, sans habitude. J'aime les premières fois parce qu'elles changent la vie sans changer la vie. Pour l'événement pur. Pour l'innocence.
elle dit qu'elle m'aime encore, mais qu'elle me quitte quand même, elle dit C'est comme ça. Joli cœur, crève-cœur.
Mon programme, c’est le moins de propriété possible. Avec les choses, avec les lieux, avec les êtres, avec mes maîtresses, mon fils, mes amis.
Je me disais que ça s'aimerait d'une façon particulière un homme qui s'appellerait Paul. C'est en pensant à l'amour pour lui, plus tard, que j'ai choisi. Les sages femmes m'ont demandé son prénom pour les petits bracelets bleus, je leur ai dit non, quand il sera né, dans cinq minutes ou dix ou vingt, pour l'instant il n'existe pas, il n'y a pas de prénom, il n'y a pas de fils, il n'y a pas de mère, il faut attendre, respecter l'ordre des choses, c'est ce que leur expliquais, à poil dans ma blouse d'hôpital, un jour de mai à la maternité de Port-Royal (ce qui me plaisait pour Blaise Pascal), on s'en foutait des petits bracelets bleus, ça les regardait pas ce que j'avais dans la tête pour son prénom. Il est né, je l'ai vu pour la première fois, avec sa gueule à lui, sa vie à lui, sa mort à lui, son corps à lui, il ne pleurait pas vraiment, il avait un air pas content qui m'a plu, j'ai compris qu'il était exactement lui, pas une histoire qu'on se raconte, j'ai dit qu'il s'appelait Paul. Il a le nom de son père mais le prénom, c'est moi. C'est quelque chose qui n'existe pas dans les autres amours de choisir le prénom de qui on aime. Un prénom pour qu'il soit aimé par d'autres, pour qu'il s'en aille un jour.
Ca fatigue mais ça repose aussi , de ne pas avoir de maison, de famille, d'amour, d'argent.