À quatre ans j'étais homosexuelle. Je le savais très bien et mes parents aussi. Après c'est un peu passé. Aujourd'hui ça revient. C'est aussi simple que ça.
Le problème c'est que j'ai jamais pu prendre tout ça au sérieux. Je ne suis pas quelqu'un de sérieux. Surtout quand il m'arrive des choses qui m'intéressent. C'est tellement rare.
Je me suis dis que c'était pas grave d'aimer une fille un peu paumée, que c'est ce qu'on avait voulu lui et moi, une fille très douée pour l'amour qu'on aime très vite, très fort et qu'on désaime sans regret.
Ça aurait été plus simple avec un homme. On se serait embrassés, on aurait couché ensemble, on aurait essayé. D’une façon ou d’une autre on aurait su à quoi s’en tenir. Il n’y aurait pas eu tous ces mois à se sourire et à ne pas oser. C’est plus facile avec eux. On leur envoie des signes et on leur laisse le soin du geste. On leur laisse la question du courage. Je ne sais pas quand j’ai compris que ce serait à moi de m’y coller. Ça me faisait peur. Ça me plaisait aussi. J’aimais bien l’idée d’être le garçon de l’histoire.
Elle épluche une pomme au couteau, le pouce sur le fruit, le geste vers soi. Un autre langage, une autre enfance que la mienne, un corps qui saisir les choses autrement que moi.
À cinq heures ce matin-là la lumière est encore grise. Mes yeux au réveil se posent sur elle. Une femme nue contre moi. Elle est couchée sur le côté. Elle dort. Son dos, ses épaules, ses fesses. Je vois toute sa beauté, je vois la beauté des femmes, je vois mon corps neuf. Je me dis qu’il y a plein de choses qui sont possibles.
Ça aurait été plus simple avec un homme. On se serait embrassés, on aurait couché ensemble, on aurait essayé. D’une façon ou d’une autre on aurait su à quoi s’en tenir. Il n’y aurait pas eu tous ces mois à se sourire et à ne pas oser. C’est plus facile avec eux. On leur envoie des signes et on leur laisse le soin du geste. On leur laisse la question du courage. Je ne sais pas quand j’ai compris que ce serait à moi de m’y coller. Ça me faisait peur. Ça me plaisait aussi. J’aimais bien l’idée d’être le garçon dans l’histoire.
Le geste qui n’arrive jamais, qui se dérobe sans cesse, qu’on finit par s’habituer à ne pas voir se produire, de plus en plus proche de plus en plus abstrait. Des mois que dure ce rapprochement, infinitésimal, très lent. C’est si lent. Je n’ai jamais connu une telle lenteur. J’y suis presque habituée maintenant. Je ne sais pas comment naît le désir.
Ce sont toutes ses inélégances, soudain, qui me reviennent. On en finit toujours là quand le corps s'efface, à une pesée des âmes;
C'est à ce moment-là que j'ai pensé que ça pourrait être une vraie histoire d'amour, elle et moi. Comme avec les hommes. Une vraie histoire avec un début, un milieu et une fin. Et du sexe bien sûr.