D'apparence autobiographique, le récit met en scène un personnage qui ressemble beaucoup à
Pauline Delabroy-Allard : jeune mère élevant seule sa fille, professeure dans un établissement parisien. Au début du récit, cette narratrice vit avec un homme un quotidien qui va très vite lui sembler morne et policé par rapport aux moments vécus avec Sarah, dont le comportement la plonge dans un mélange d'admiration et de honte en public. Il faut dire que la jeune femme semble n'avoir aucunement peur du regard des autres, décrite le plus souvent comme mal fagotée, pas coiffée, peu apprêtée, ce qui contraste avec les tenues de gala qu'elle porte lors des concerts de sa formation musicale.
Le texte est le récit relativement classique d'une passion amoureuse, si ce n'est que celle-ci est pour les deux femmes la première expérience lesbienne, qui à la fois leur ouvre un nouveau champ des possibles, y compris sexuel, et en même temps risque de les mettre en porte-à-faux vis-à-vis de leur entourage, pas forcément à même de comprendre ou d'accepter. le roman se construit par succession de scènes de vie qui deviennent des souvenirs impérissables pour la narratrice, et par la reprise de motifs récurrents qui petit à petit constituent une forme de rengaine, comme le refrain d'une comptine, et d'ailleurs Sarah est régulièrement comparée à une enfant pour son comportement impulsif et insouciant du regard social.
La deuxième partie du texte se concentre sur la tentative de la narratrice de survivre à une rupture annoncée dès la première page et liée à la maladie qui a frappé Sarah. Récit d'un voyage comme une fuite, d'une tentative de se retrouver soi-même ailleurs que dans les lieux chargés de mémoire des moments à deux, il retrouve la construction par expressions répétitives, cette fois moins liées à la description de Sarah, de son physique et de son caractère, qu'à la séparation évoquée de manière trouble, sans que l'on comprenne vraiment si Sarah est morte ou vivante. le nouveau quotidien de la narratrice fonctionne lui-même comme un cycle, chaque jour la conduisant au même endroit, à manger la même chose, à boire des spritz dans le même café. le texte reproduit l'enlisement de sa protagoniste dans un chagrin poisseux qui confine à perdre la raison. Autant le texte débordait de vie dans sa première moitié, autant sa fin est extrêmement lugubre, funèbre même, ce à quoi on ne pouvait pas nécessairement s'attendre. Déroutante et prenante, cette mélopée a en tout cas de quoi ne pas laisser indifférent(e), qu'elle séduise ou qu'elle rebute par ses singularités.
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