À leur façon, nos deux pères étaient des meurtriers. De sacrés veinards aussi puisque nos corps de victimes bougeaient encore. C’est à l’intérieur qu’ils étaient crevés. Mais un cadavre dans un corps, ça ne compte pas. Ça n’obtient pas justice. Débattez vous avec ça, les petits gars.
Car la guerre rend également mabouls ceux qui ne la font pas et se taire ceux qui n’ont pas été zigouillés. Nous n’héritâmes donc que de silences et je m’aperçois, maintenant que sa mort l’a englouti, qu’il ne parlait jamais de lui, ne partageait rien.
Je sais juste qu’il avait lu Cesbron et Barjavel, qu’il avait aimé les Compagnons de la Chanson et Papillon, le film de Schaffner. Ça fait peu pour un père.
Les bêtes blessées, écrivait Joséphine Hart dans son premier roman, sont dangereuses, elles savent qu’elles peuvent survivre. J’ajouterais qu’elles ne savent plus que cela, ne pensent plus qu’à cela.
« Le silence est un assassin impuni »
Avoir honte c'est être son propre esclave.
Les mots ne guérissent pas. N'effacent pas. Ils tracent juste d'autres vies.
Les mots sont des grenades dans les mains.
Mon silence est ma parole.
Le monde est fasciné non par l'élévation mais par la chute. Et il se fabrique ses héros pour les déboulonner.
Elle fut juste assassinée au mitan de son automne par un minuscule caillot de sang, et je m'étais plus tard fait la réflexion que nous hébergions tous en nous notre propre assassin.