"... Et puis, ajouta-t-il en caressant la joue de la jeune fille, elle se mariera un jour." [...]
À peine les a-t-elle accompagnés jusqu'à la porte qu'elle revient. Se marier. Une femme. C'est la première fois qu'elle entend ça. Une femme ! Et la sculpture ? À elles deux, elles les terrasseront, ces hommes qui ne se marient pas toujours. Non ?
p.47
Elle aime ce village avec sa place. Les tilleuls qui commentent chaque passage. L'église qui sonne et le clocher qui penche. Cette espèce de diagonale comme si le temps s'était arrêté un moment. Un moment avant de tomber. Un moment avant de se relever. Impression d'un monde qui fait silence - autour d'elle, les pierres là-bas vont bientôt se réveiller, se réchauffer au soleil levant.
p.27
*Rodin parlant de Camille Claudel*
Je lui ai peut-être montré où elle trouverait de l’or mais l’or qu’elle trouve est en elle.
" Les Causeuses on fait tomber sur son nom les premiers rayonnements de la gloire. . Aujourd'hui encore elle ne doute point de sa célébrité ."
Le sculpteur donne des recommandations précises, rapides. Camille l'écoute un peu en retrait.
cet homme à l'air gauche, mal assuré, devient sobre et rapide dès qu'il parle sculpture. Il semble grandi. Une autorité, une énergie insoupçonnées. les mains montrent, caressent, reprennent la terre mouillée.
Soudain, il attrape le crayon et dessine un détail sur un bout de papier. Camille ne détache plus ses yeux des mains du sculpteur.
Le buste "puissant"... Jamais elle n'a entendu de pareils conseils. Rien n'est laissé au hasard. Un formidable praticien. Elle a devant elle un admirable artisan, qui reprend, affirme, complète la matière. C'est de la vie qu'il manie. Il la voit partout et la restitue avec passion, avec force.
Camille murmure en haussant ses belles épaules : « je ne suis pas classique, monsieur Rodin. N'oubliez pas que je boîte.» Elle rit de son rire cassé, celui qui vous jette un bout de son cœur.
P.126
" Écoute , je vais te confier mon secret. Je voudrais être...je voudrais sculpter !
J'ai lu un livre, des statues, tu sais, comme je fais avec la terre...Je sais maintenant. Je veux être un grand sculpteur ! "
Et soudain celle qui sculpte, celle qui parle de matériaux à longueur de journées, celle qui fait elle-même ses outils est bouleversée. Elle est une femme à qui on peut offrir quelque chose d'inutile, de superflu.
Paul se balance. Il l'énerve, ce garçon fermé qui la surveille de ses deux yeux bleus stupides.
"Ils m'ont élevée exprès pour leur fournir des idées, connaissant la nullité de leur imagination, je suis dans la position d'un chou qui est rongé par les chenilles ; à mesure que je pousse une feuille, elles la mangent..."
p.341