Les voyages de sable

Chez les barons de la cuite, le whisky remplace le sextant et même la boussole. Il vous met du vent dans les voiles et il vous ouvre des routes qui ne sont pas fréquentées par les touristes. En plus, il tue la solitude.
- D' où tenez-vous ça ?»
- Un copain brésilien. Un poète de passage. Dès qu'il avait son compte, il affirmait que le whisky était le plus fidèle ami de l'homme. Une espèce de chien en bouteille, quoi.

-Ma foi...Mourir ,c'est à la portée de tout le monde puisque , fatalement,tout le monde finit par mourir un jour. Mais ressusciter ,c'est une autre musique .Comment avez-vous fait?
-Jaume expira une profonde goulée de tabac blond qui alla rejoindre les autres en strate mouvante au milieu de la pièce. Puis il présenta les choses de son mieux:
"Sincèrement,je ne sais pas....

... Il apprit que c'était Louis-Philippe, le roi soi-disant citoyen, qui était aux affaires. Défenseur de la bourgeoisie commerçante nouvellement enrichie, fervent partisan de la révolution industrielle, il passait le plus clair de son temps à mater les révoltes, écrasant les canuts à Lyon, les ouvriers à Paris, tout en évitant les tentatives d'assassinats contre sa personne fomentés par les républicains, les bonapartistes et les légitimistes.

Pour lui, Jaume, préférait les obscurs, les sans-grades, les seconds couteaux, les femmes et les hommes de l'ombre. Celles et ceux que l'histoire officielle avait oubliés, par ignorance ou par choix.

L'amour est passé de mode. On ne sait plus s'aimer pour rien, gratuitement. On finit par trouver chaussure à son pied, ça oui. Mais si on aime, c'est avant tout parce qu'on a peur de vieillir tout seul...

A dater de ce jour, je décrétais que l'amour était une perte de temps car toutes les femmes étaient, par nature ou par inclination, volages, égoïstes, inconséquentes, capricieuses, cruelles, félonnes, infidèles, indignes de confiance. Bref, des êtres malfaisants et nuisibles. A peu près l'équivalent du genre masculin...

Comment vous dire ? Avant, on prenait le temps de rêver. Avant même d'être parti, on s'imaginait l'endroit. Le voyage on le faisait en douce, en égoïste. On se le faisait à sa main, en quelque sorte. Une fois sur place, on vivait sans doute des choses uniques, des trucs extraordinaires. Mais ce n'était rien comparé aux rêves qu'on en avait faits.

Ici, on ne boit pas. Ici, on écluse, on se rince la dalle, on s'endort les souvenirs, on se gargarise, on s'humecte les muqueuses. Si vous préférez, on se démâte, on se dézingue, on s'empaffe, on se déglingue, on s'oublie, on s'enclume, on s'anesthésie au Pernod...

Avec des mots choisis et hésitants, ou vomissant d'un seul coup leur détresse, ils en revenaient systématiquement à leur solitude et à son corollaire, le mal d'amour.

D'un naturel taiseux, il ne parlait jamais de lui. Par expérience, il savait que ses clients ne venaient noyer leur désespoir entre les murs défraîchis de la Table que pour se répandre eux, et tenter de déclencher dans les regards de leurs voisins une étincelle de sympathie.