Eugène Carrière a tout à la fois — constatons-le dès maintenant pour n'y plus revenir — des admirateurs passionnés l'exaltant et le proclamant un maître exceptionnel de sa génération, et des détracteurs qui vont jusqu'à nier son indiscutable originalité, en la qualifiant dédaigneusement de « procédé ».
Une telle disparité dans les jugements est faite pour surprendre; elle n'est en tout cas, nullement justifiée. Il semblerait en effet, que l'art de Carrière tout de tendresse et tout en nuances — qu'il s'agisse de ses peintures ou de ses lithographies — dût réunir l'ensemble des suffrages des connaisseurs. On s'imagine difficilement l'indifférence de l'homme de goût, en présence de ses meilleures œuvres d'une volonté et d'une émotion si pénétrantes dans leur gamme quasi-monochrome.
Que d'intensité dans l'expression, d'intelligence dans le modelé, de compréhension de l'esprit sous la forme extérieure, de tenue, d'harmonie, de style enfin, dans cette magnifique lithographie de Verlaine! Que de grandeur synthétique et d'intensité grandiose à la fois dans la technique de cette oeuvre obtenue par la combinaison de deux pierres, sur lesquelles le lavis, que Carrière sut manier avec tant d'originalité et de maîtrise, cisèle et peint à la fois le curieux visage du poète.
Les qualités qui font le charme et le mérite des œuvres peintes d'Eugène Carrière, se retrouvent encore plus intenses dans ses lithographies, ou hormis quelques pièces d'intérêt secondaire, sur lesquelles il n'y a pas lieu d'insister, on rencontre des chefs-d'oeuvre au sens absolu du mot.
L'oeuvre gravé et lithographié d'Eugène Carrière bien qu'assez restreint, est mal connu en raison de l'idendité des sujets qui le composent et qui jettent alors le plus souvent de la confusion dans l'esprit des amateurs en l'absence de tout catalogue raisonné; celui que nous établissons aujourd'hui comprend en tout — nous espérons n'avoir rien omis — six eaux-fortes et pointes sèches et trente-sept lithographies.