Pour ceux qui ont lu l'Incal de Moebius, vous devez avoir en mémoire le moment où Son Ophidité Majeure se transfère dans un nouveau corps, plus jeune, plus beau, plus musclé.
Gérard Delteil reprend cette idée comme base de son roman. Si les références à Moebius (L'Incal) et Bilal (La foire aux immortels) sautent aux yeux, il évite le repompage grossier pour nous proposer un roman des plus intéressants et personnel.
Il s'agit d'une dystopie post-apocalyptique, le monde s'est reconstruit sur des bases plus saines à priori, celles du mérite, mais il a de nouveau dérivé vers un système de castes et de privilèges. La plus haute caste, celle des archontes, possède celui de pouvoir changer de corps lorsque le leur est usé. L'un d'entre eux, Bachouroff, atteint d'une maladie incurable, se voit déchu la veille de son
transfert, cela équivaut à une condamnation à mort, il va donc entrer dans l 'illégalité et se procurer clandestinement un nouveau corps. S'ensuit une course poursuite dans un univers urbain sombre et inquiétant, dans le genre Blade Runner.
Gérard Delteil ne se contente pas de mettre de l'action, de la technologie pour faire de la SF tapageuse. Il déploie son univers avec cohérence, les descriptions sont efficaces et claires, il y a une véritable atmosphère et la psychologie des personnages n'est pas en reste. L'intrigue nous réserve un grand nombre de surprises, on peut juste reprocher certaines idées d'être un peu bancales, ne devant leur présence que pour donner une issue originale au scénario, comme la raison de la déchéance de Bachouroff ou l'apparition de la mémoire d'Anderson (sans ses deux détails, s'était une demi-étoile en plus pour ma note).
Donc, pas tout à fait parfait, mais c'est un très bon opus de la collection Fleuve Noir Anticipation.