SLOW. Sur les routes de l’île, on roule sur ce mot presque à chaque courbe et à chaque entrée de village. SLOW. Comme pour rappeler l’importance de prendre son temps. Car la vie tient à ça, à la vitesse à laquelle on prend un virage, en pleine nuit, sur une route détrempée entre Glasgow et Fort Augustus. Fort Augustus où je me rends, à bord d’un SUV rassurant – il faut bien ça ici, les Écossais conduisent vite, bien trop vite.
(incipit)
« Parce qu’un monde privé de monstre est un monde privé de poésie…un monde sans rêves et sans évasion. Un monde sans possible et sans avenir »
Le monstre, quant à lui, n’est pas absent, car pour être absent, il faut avoir été présent. Il faut exister. Or le monstre est, en même temps qu’il n’est pas. Un monstre quantique
Alors pourquoi me faire faire ce tour en barque ?
Tout d’abord, pour le plaisir des yeux. C’est tellement différent de ce que l’on peut en voir depuis la rive. Et pour vous montrer que, dans ce loch, hormis des légendes, il n’y a sans doute rien d’autres que des poissons, des algues et des galets. Et malheureusement, tout ce que l’homme y jette… En l’occurrence, le monstre ici c’est lui.
La bête serait donc là, dans cette obscurité liquide, dans l’onde opaque d’un gris vert tirant parfois sur le noir
Au-delà de la confirmation d'une hypothèse ou d'une vérité, partir à la recherche de Nessie, c'est partir à la recherche de soi, de ses peurs et de ses rêves.
Le plus riche et le plus long des voyages.
Peu importe que l'invisible et pourtant si célèbre Nessie existe. Ce qui restera des incroyables histoires qui la constituent, de cette enquête médiatique autant que scientifique, ce sont les témoignages, cette implication humaine, ces vies consacrées à l'accumulation de preuves et de photographies, ces existences bouleversées, ces émotions collectives.
Je respire une fois encore l'odeur âcre d'algues et de limon. A la surface du loch, d'une immobilité parfaite, se forment puis s'effacent de petits cercles successifs. Rien de tout ce que j'ai pu lire ou entendre sur les fameux remous causés par le monstre, ni têtes ni bosses qui en émergent. Rien d'autre que le calme infini d'un soir d'automne.
Mon dernier regard est pour le plus grand lac d'Ecosse dont le mystère demeure. Entier.
Nessie a été -- et est encore -- ballottée entre croyances et moqueries, suscitant autant de méfiance et d'hypothèses que de certitudes et de convictions.