Ces peurs, et la fascination qui en découle, entretenues par les témoignages et les histoires incroyables transmis de génération en génération au coin du feu, peuvent gagner toute une région et devenir une véritable épidémie. A l'image du mythe du Loch Ness, qui prend en vérité sa source des siècles plus tôt. Mais aujourd'hui, il est tellement ancré dans les esprits que je n'oserais pas m'aventurer,seule sur une barque, la nuit, au milieu de ce lac.
SLOW. Sur les routes de l’île, on roule sur ce mot presque à chaque courbe et à chaque entrée de village. SLOW. Comme pour rappeler l’importance de prendre son temps. Car la vie tient à ça, à la vitesse à laquelle on prend un virage, en pleine nuit, sur une route détrempée entre Glasgow et Fort Augustus. Fort Augustus où je me rends, à bord d’un SUV rassurant – il faut bien ça ici, les Écossais conduisent vite, bien trop vite.
(incipit)
En Ecosse, la nuit est aussi épaisse et dense que la nature. Aussi insondable que ses lochs. Elle ensevelit dans son obscurité des villages à peine éclairés.
Je lève la tête vers le château. Là-haut, les étoiles s'allument, une à une. Protégé derrière ses créneaux et ses fenêtres éclairées, Eilean Donan semble montrer son vrai visage. Un visage à l'expression menaçante.
Je préfère retenir et emporter avec moi le souvenir des soldats solitaires du Loch Ness, le regard obstinément rivé au lac et à son éternité.
Après m’avoir laissé me perdre dans une carte qui me fournit l’embarras du choix, la voix encourageante de mon hôte me donne un petit coup de pouce. Ce sera un Bowmorre au goût tourbé, comme j’aime.
Une gorgée suffit à me faire voyager dans le cœur encore saignant des Highlands. Philip me regarde fermer les yeux quand l’alcool me chauffe la gorge.
En suivant dès demain la courbe sinueuse du lac, je foulerai après tant d'autres en quête de vérité et d'adrénaline -- le plus souvent des hommes --, cette terre qu'Hergé nommait "l'île noire" pour ses reliefs ténébreux, ses paysages brumeux et ses énigmes.
Tout autour, comme venant de la terre ou des montagnes, une complainte à laquelle se mêlent des hululements sinistres. Je devine d'où les facteurs de cornemuses ont tiré leur inspiration et ce qui a stimulé leur âme musicienne.
Puis, subitement, tout s'assombrit. Le soleil n'est qu'un souvenir, les nuages déferlent en volutes serrées et je suis déjà trempée. En quelques instants, l'expression "douche écossaise" prend tout son sens.
Le monstre, c'est aussi cette part d'enfance qu'on garde ou qu'au perd en cours de route.