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Critique de Nat_85


Lorsque j'ai rencontré Emmanuelle Collas en septembre dernier, elle présentait (ou plutôt elle défendait devrais-je dire) ce livre lors de la rentrée littéraire à la Roche-sur-Yon (85). J'ai été à la fois intriguée mais aussi fascinée par son courage et sa détermination.
Aujourd'hui, après la lecture de celui-ci, je comprends. Et j'ai un rêve. Celui que ce livre fasse le tour du monde, passe de mains en mains, et qu'enfin la démocratie l'emporte partout et pour tous, grâce à la littérature !
Les éditions Emmanuelle Collas, ont choisi de publier de recueil de nouvelles » L'aurore « en 2018, alors que son auteur Selahattin Demirtaş est toujours incarcéré dans la prison d'Edirne en Turquie. L'engagement d'Emmanuelle Collas pour cette publication démontre une volonté de reconnaissance sur la situation non seulement de l'auteur, mais aussi dans une perspective plus large, de la situation en Turquie. Elle cite à son propos : » Il y a chez lui, pour le XXIe siècle et pour le Proche-Orient, quelque chose de Vaclav Havel ou de Nelson Mandela. «
Bien plus qu'un recueil de nouvelles, ce livre est un engagement, un enjeu à défendre à tout prix, un cri d'espoir !
Quelques mots sur l'auteur de ses nouvelles avant toute chose, car c'est au prix de sa liberté que Selahattin Demirtaş a eu le courage de mener son combat. Et c'est après de longues semaines de négociations – censure oblige – que ce projet d'édition sera mené à son terme. Si » Résistance est espérance » comme le disait René Char, alors Selahattin Demirtaş est de ceux dont il ne faut pas oublier le destin. Incarcéré depuis le 4 novembre 2016 en Turquie donc, Selahattin Demirtaş est toujours en attente d'un procès. Il risque une peine de prison de 142 ans ! Turque d'origine kurde, il est le leader charismatique du HDP ( Parti démocratique des peuples ). Ce parti d'opposition pro-kurde est le plus progressiste du Proche-Orient. Malgré les circonstances liées à l'emprisonnement de l'auteur, et bravant la censure, le livre s'est vendu à 180 000 exemplaires depuis sa parution en septembre 2017. Un des plus grands best-sellers de l'histoire de l'édition turque.
C'est avec un grand sens de l'engagement et de logique que les éditions Emmanuelle Collas ont fait le choix de faire préfacer ce recueil par Asli Erdoğan, auteure en exil forcé, devenue le symbole de la résistance en Turquie.
L'aurore. Un titre simple aux mille évocations. Seher en turque, il est le nom d'une femme qui trouve la mort en rencontrant l'amour. Mais L'Aurore, c'est également le journal dans lequel Zola écrivit » J'accuse » le 13 janvier 1898 pour défendre Dreyfus.
» À toutes les femmes assassinées, à toutes celles victimes de violences… «
C'est ainsi que Selahattin Demirtaş rend hommage aux femmes dans son recueil composé de douze nouvelles. Si chacune est une histoire singulière de femme, l'ensemble constitue l'atrocité du destin d'être née femme dans la Turquie et la Syrie contemporaines. Si certaines sont proches de l'insoutenable à la lecture, l'auteur a ce talent de rester lumineux, même dans la nouvelle intitulée justement » Seher « .
p. 37 : » Un soir, dans la forêt, trois homme ont volé les rêves de Seher. Au milieu de la nuit sur un terrain vague, trois hommes ont pris la vie de Seher. «
Celle-ci m'a profondément touchée, et explique ma volonté de promouvoir ce livre et son auteur.
Il utilise aussi la personnification, notamment dans la nouvelle » le mâle qui est en nous » . Ainsi, à la fin de celle-ci, le sourire en coin, le message est passé, telle la morale dégagée dans les fablesDe La Fontaine.
p. 22 : » La femelle, après dix minutes de résistance solitaire et acharnée, avait mis en déroute les oiseaux policiers, qui s'envolèrent loin de la cour. La détermination avec laquelle elle avait défendu son nid et ses oeufs, malgré la violence de l'attaque menée contre eux, était vraiment incroyable. Quant à mon congénère, le voilà qui me regardait en bombant stupidement le torse. » Ne me regarde pas comme ça, tu devrais d'abord tuer le mâle qui est en toi. «
Selahattin Demirtaş imagine un soulèvement démocratique subversif, par les femmes, dans une rage d'être libre, en tant que telle. Une volonté décrite avec sensibilité dans la nouvelle » Nazo, femme de ménage » :
p. 52 : » Je suis ici parce que je suis une femme prolétaire. Je n'ai jamais participé de ma vie à une manifestation, pourtant ça m'a permis de voir notre quartier d'un autre oeil. peut-être que je ne resterai pas longtemps en prison, mais ces six mois m'auront suffi à mieux me connaître. Et puis j'ai appris une chose importante : si tu marches droit devant, avec courage et détermination, tu pourras arriver plus vite que certaines voitures. C'est moi » Nazo, femme de ménage « , à nous deux Ankara ! «
Parfois sur un ton que l'on pourrait paradoxalement qualifié de drôle, Selahattin Demirtaş nous fait découvrir la réalité d'un monde qui ne touche que trop peu l'Occident. On y découvre un pays où la femme ne bénéficie d'aucune présomption d'innocence, coupable parce que d'abord femme. Si vous avez la chance de lire ce recueil de nouvelles, dites-vous qu'il a bravé tous les obstacles pour parvenir jusqu'à vous. Et qu'à ce titre, il est de notre devoir, autant pour cette raison que pour les trésors qu'il renferme, de diffuser au plus grand nombre cette oeuvre ! Car la littérature a ce pouvoir, d'oeuvrer pour la liberté !
Lien : https://missbook85.wordpress..
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