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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un essai édifiant sur une tendance qui se confirme à mesure que défilent les années : les médiocres sont au pouvoir, le moyen fait désormais autorité. Alors que le travail est devenu plus un moyen de subsistance qu'une réelle vocation, la paresse intellectuelle s'installe et se dissimule sous la perfection technique. le goût du travail bien fait ou le simple sens des responsabilités sont considérés comme des défauts, le moins étant l'ennemi du mieux. Même le milieu universitaire est pervertie par les impératifs de rentabilité et de publicité. Les étudiants sont devenus des produits destinés à répondre aux besoins d'une clientèle spécifiques, les entreprises. Les chercheurs participent à cette manipulation du savoir à des fins commerciales en n'ayant d'autre choix que d'accepter les financements privés et deviennent partie intégrante du processus de lobbying. Une étude passionnante et terrifiante qui questionne le processus d'acculturation à l'oeuvre depuis des décennies.
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Par et pour les chiffres, le rendement, l'humain est de plus en plus nié. Nié dans la globalité de ses capacités, nié dans la pluralité de ses connaissances, nié dans la complexité de son être. Machinisé, rationalisé, standardisé, il s'attèle aux tâches limitées et répétitives qui lui sont demandées. « Récompensé » d'un salaire toujours plus maigre, coupé de toute force vitale, de tout élan créateur, et écrasé par une vision managériale du « toujours plus », l'épanouissement individuel se réduit à peau de chagrin.

Dans cette ambiance qui est celle de notre vie moderne, tout serait devenu médiocre, moyen, fade et sans passion. Un auteur s'est intéressé au phénomène et vous livre sa réflexion dans La Médiocratie (éditions LUX).

Cet auteur, Alain Deneault, est docteur en philosophie et auteur. Pas du genre à “parler tiède”, il annonce d'emblée la couleur :

” Rangez ces ouvrages compliqués, les livres comptables feront l'affaire. Ne soyez ni fier, ni spirituel, ni même à l'aise, vous risqueriez de paraître arrogant. Atténuez vos passions, elles font peur. Surtout, aucune “bonne idée”, la déchiqueteuse en est pleine. Ce regard perçant qui inquiète, dilatez-le et décontractez vos lèvres – il faut penser mou et le montrer, parler de son moi en le réduisant à peu de chose : on doit pouvoir vous caser. Les temps ont changé. Il n'y a eu aucune prise de la Bastille, rien de comparable à l'incendie du Reichstag, et l'Aurore n'a encore tiré aucun coup de feu. Pourtant l'assaut a bel et bien été lancé et couronné de succès : les médiocres ont pris le pouvoir.”

Cette couleur et ce phrasé fort, auxquels nous sommes de moins en moins habitués, désignent finalement un phénomène que nous sommes nombreux à ressentir sans parvenir à le distinguer clairement. Et pour cause, ses rouages sont à la fois discrets et surtout parfaitement intégrés au paysage social. Bienvenue dans un monde où même le subversif s'achète et se détourne pour mieux continuer à faire croire qu'il existe vraiment. Bienvenue dans un monde où la vie en entreprise atteint des sommets d'abrutissement et d'aliénation, où les médias portent en étendard une prétendue objectivité qui n'est qu'un outil de renforcement d'une classe dominante, où la télévision “casse le lien social réel” pour en proposer un “simulacre”, où l'art moderne incarne une vacuité vulgaire, symptomatique de la place réelle laissée dans notre société à la créativité et à l'expression réelle de chacun. Voilà le tableau peint par l'auteur… et l'image est laide.

(critique suivie d'une interview de l'auteur à lire sur le site)
Lien : http://www.ca-se-saurait.fr/..
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Dans cet essai, le philosophe québécois Alain Deneault étaie l'idée du système étatique de la médiocratie. Axant son étude sur le cas du Canada, plus particulièrement du Québec, ce serait selon lui cet ordre dans lequel tout devient moyen qui caractériserait davantage le régime politique du pays, et non pas la démocratie, comme c'est pourtant officiellement et communément admis. le principe de la démocratie est celui du gouvernement du peuple par le peuple, or l'auteur de « Gouvernance » croit que celle-ci, dans cette région du monde, « reste à faire bien plus qu'à préserver ».

La médiocratie est divisé en quatre courts chapitres dont les titres laissent croire à un travail académique bien en règle. En premier, on a « savoir et expertise », ensuite « commerce et finance », puis « culture et civilisation », pour ne nommer que les trois premiers, les principaux. Je reviendrai plus tard sur le dernier. Disons que le tout se présente sous la forme d'un essai essentiellement rhétorique comme on en voit souvent écrits par des bien-pensants qui se disent préoccupés par les questions « d'éthique » mais qui ne révèlent rien de consistant mises à part les capacités de leur auteur à se conformer au format prescrit pour les publications à l'ère de la médiocratie. Au contraire, cet ouvrage « comme les autres » en apparence s'en distingue sur le fond. Sur le ton de l'arrogance, il s'avance et il dérange, dénonçant les revers de la pensée dominante, regorgeant d'informations salées et compromettantes pour les institutions officielles, et qui aident le lecteur à mieux comprendre les rouages du pouvoir caché mais véritablement établi dans la société.

C'est donc sous des airs empruntés aux essais politiquement correct, pour ne pas dire « bée-bête », que Deneault rend l'exposé magistral de son érudition subversive. On remarque que si son savoir n'entre pas dans les normes de ce qui est permis, il est en revanche tout sauf « superflu », à l'opposé de ce qu'il dénonce être produit aujourd'hui dans les universités de la médiocratie, le plus souvent par des experts soumis au jeu de l'élite financière. Par ailleurs, non seulement le titre de la médiocratie est trompeur puisqu'il recèle la vision d'un intellectuel résistant à la pression de la médiocrité, prétendant à une certaine grandeur, mais, en plus, les analyses de ce dernier s'appuient sur un travail journalistique mené avec rigueur, des données statistiques, des faits et des exemples concrets, depuis la collusion des universités québécoises avec les firmes d'énergie transnationales jusqu'aux partys privés à Sagard qu'il nous rend impossible d'ignorer. En somme, son ouvrage est aussi divertissant qu'instructif et il fait un joli pied-de-nez à ces autorités.

L'esprit, le style de Deneault est inimitable. La façon avec laquelle, dans cet opus publié en 2015, les institutions et les dimensions de la vie publique sont passés au crible d'une analyse vitriolique qui la dépeint dans des figures comme celle de « l'analphabète secondaire » étudiant dans les universités ou encore de « l'ermite de masse » qui passe tout son temps isolé parmi les autres devant son écran de télé ou du professeur « Superman », rien n'échappe au regard critique de ce professeur de philosophie.

Cependant, à mon avis, celui qui se présente comme un « penseur » est avant tout un excellent humoriste ! En effet, malgré la lourde teneur des propos de Deneault, je ressors franchement satisfait à la fin de ce qui pourrait tout aussi bien être une oeuvre de fiction, pourquoi pas, une satyre, marqué encore par ses images, ne serait-ce que ce fameux portrait des « colons » du Canada.

Enfin, je dois dire que le comble du comique se retrouve dans ce tout dernier chapitre, où le philosophe fait son appel à la prise de conscience universelle et au soulèvement… J'avoue que c'est là que mon rire s'est étrangement modulé. Dans le but, peut-être, de détourner l'attention de son lecteur sur sa grande influence marxiste, Deneault puise dans la pensée d'Aristote pour rallier son public autour de l'idée non pas d'une révolution à faire mais bien d'une « co-rruption ». J'hésite… Est-ce un bel exemple de prouesse d'humour au quatre-vingt-treizième degré ou une basse concession à la médiocrité ?
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Essai vraiment intéressant qui met des mots plus scientifiques à ce que j'observe depuis longtemps. La lecture peut être ardue pour quelqu'un qui n'est pas familier avec les références littéraires, politiques, culturelles qui sont nombreuses, le vocabulaire est également très soutenu.
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