La peur a toujours des complices, qui trouvent là occasion de faire carrière, des gens inertes, silencieux, redoutables. La peur des étudiants rencontre le besoin de certains d'entre nous, longtemps contrarié, de jouer au professeur, comme on peut jouer au douanier ou au flic. Ils portent un regard acéré sur la conformité des devoirs, vérifient la dimension des marges, et le nombre des parties, qu'il s'agisse de Rimbaud ou d'un film de Renoir. Et ils mettent parfois de sales notes. Un grand psychiatre, Jean Oury, définit une folie très répandue chez les gens qui ne sont pas dans les asiles, ceux qu'il appelle les normopathes, en ces termes : des gens qui se prennent pour leur fonction.
Je ne sais ce qui est au bout du couloir. Mais je sais que les corps, ceux qu'on appelle les étudiants, devraient apprendre à chanter, pour eux-mêmes, tout seuls, vite. Je ne sais pas, dans les années qui viennent, quelles voix chanteront pour eux.
Théoriquement, pour faire tourner le cercle, le corps est assis sur une chaise, et porte, attachés à sa ceinture, deux petits sacs, un de chaque côté, pareils à ceux où le dieu Eole tenait enfermés les vents. Dans un des petits sacs, la vie, dans l'autre les livres, et le corps qui puise tantôt dans l'un, tantôt dans l'autre.
En vérité, dans les deux sacs il trouve la même chose, la vie oeuvrée par les livres.
Beckett disait de sa brève expérience pédagogique: "Ca sonnait. Je m'asseyais. Je regardais par la fenêtre. Puis sa resonnait." Résister à cette possible définition de l'enseignement de la littérature.
Lacan nous rappelant patiemment qu'un événement, pour celui qui le vit, au moment où il le vit, est au carrefour dont il ne saurait occuper toutes les voies. Qu'il passerait sa vie, ensuite, à les obturer. [...] Le silence de l'écriture, le silence menaçant toujours l'écriture, serait cette reconnaissance première que celui qui écrit ne sera jamais dans la position d'occuper toutes les voies.
Phèdre parle. [...] Elle parle. [...] Si l'on entend qu'elle parle, alors, et alors seulement, on peut comprendre que sa mort est, en dépit de la bonne volonté janséniste de Racine, un déchirant scandale.