Son jeu persiste à étonner, à déployer un langage d'une délicatesse et d'un raffinement inouïs. La plupart du temps, il est d'une douceur renversante avec le public sans pourtant tomber dans la démagogie. Il est lui-même : bonté, tendresse, sensibilité, attention, et aussi fragilité, irritabilité.
p 247
La vie c'est comme un torrent, me dit un jour René.
J'ai dû lire ça dans un mauvais roman,
mais c'est pas faux.
Je l'ai souvent répété à mes enfants.
La vie c'est un torrent en crue, bouillonnant,
avec plein de morceaux de bois qui flottent et qui te cognent.
p 185
A propos de Chopin, je pense à un échange entre René Urtreger et Miles Davis. René et Miles jouaient au Club Saint-Germain. René empruntait parfois la trompette de Miles, il en jouait pour le faire marrer, et ça marchait. Et puis, à un moment , il s’est mis au piano pour interpréter la « fantaisie-Impromptue » de Chopin. Quand il a terminé, Miles pleurait. Il a dit: « Je me couperais un bras pour avoir écrit ça. » Deux musiques qui se regardent, et l’une qui dit « Moi je suis plus savante que toi », tandis que l’autre lui répond: « Peut-être, mais moi je suis plus libre. » Deux soeurs qui s’admirent et se jalousent, et s’aiment.
Je n'ai pas peur de mourir, c'est arrêter de vivre qui m'emmerde".
Avec Claude, on allait plusieurs fois par semaine à la gare de l'Est
pour attendre les déportés
qui rentraient des camps.
On l'a cherchait, ma mère.
P 54
René, qui a d'abord été un musicien classique, est reconnaissant au jazz de lui avoir accordé une licence presque totale. En jazz, quand on est interprète, on est aussi compositeur ou, pour mieux dire, "compositeur instantané"; C'est frappant quand on écoute jouer Bud Powel, le maître de René, celui à qui il a consacré un album et dont il continue aujourd'hui de jouer les compositions. "Bud, quand il jouait, tu pleurais. Il inventait sans arrêt", me dit René avant de se mettre au piano. Il enchaîne "Tempus Fugit", "Parisian Thoroughfare" et "Oblivion". C'est une pluie d'étoiles filantes, des notes qui surgissent, se suivent, se croisent, avec sans cesse un courant et contre-courant, la sensation d'entendre plus d'un piano à la fois, des harmonies extrêmes-orientales ou presque, un humour, un goût pour la déconstruction aussitôt démenti par la flèche inattendue d'un sentiment très pur, très simple, d'une candeur à couper le souffle.
p. 82
Je pense à la nostalgie contenue du jazz, à sa façon particulière de toucher à l’émotion sans jamais tomber dans le pathétique, à cette désinvolture, ne fut-elle qu’apparente. Je regarde René Urtreger saluer avec malice et l’imagine, soixante-dix-sept ans plus tôt.
Son jeu persiste à étonner,
à déployer un langage d'une délicatesse et d'un raffinement inouïs.
La plupart du temps, il est d'une douceur renversante avec le public
sans pourtant tomber dans la démagogie.
Il est lui-même :
bonté, tendresse, sensibilité, attention, et aussi fragilité, irritabilité.
p 247
La vie c'est comme un torrent, me dit un jour René. J'ai dû lire ça dans un mauvais roman, mais c'est pas faux. Je l'ai souvent répété à mes enfants. La vie c'est un torrent en crue, bouillonnant, avec plein de morceaux de bois qui flottent et qui te cognent.
p 185
Ensemble, c’est ça le mot qui compte. Le jazz, c’est avant tout une école de courtoisie. Apprendre à jouer avec.