Il faut que je prouve aux femmes, et surtout à celles qui restent dominées par leur mari, comme mon amie, qu’il est possible pour la femme québécoise, et pour la femme en général, de se réveiller, de secouer ses ailes, qu’on a longues et fortes, croyez-moi, et de s’envoler un jour, chacune à son moment.
Besoin de s’envoler vers soi-même pour commencer, puis vers les autres, vers les êtres humains qui sont libres ou libérés. Ça, c’est le bonheur. Un bonheur humain, certes, un bonheur fait d’aussi grandes tristesses que de grandes joies, un bonheur envahi de déceptions comme de satisfactions, un bonheur autant rempli d’obstacles que de succès.
Quant aux hommes agés, je crois que je peux résumer ainsi ce que j’ai expérimenté avec ces messieurs : ou bien ils n’étaient plus capables, les pauvres ; à cause de la maladie ou de la bouteille, des affaires qui vont mal, ou d’une épouse qu’ils n’avaient jamais réussi à tromper par peur de représailles mais qui, elle, avait laissé s’atrophier les charmes de son mari tellement elle ne s’en était plus servi depuis dix ans, ou bien alors, on aurait dit qu’ils pensaient que c’était la dernière fois de leur vie et qu’il fallait mettre le paquet, faire des acrobaties, casser le lit, hurler comme un loup.
On s’imaginait que d’avoir des pensées et des désirs était péché, alors, on allait à l’église et les désirs se changeaient en amour, en une élévation de l’âme ! Nos âmes s’élevaient vers le ciel, certes, mais il n’y avait pas que les âmes des gars qui pointaient à la verticale vers les horizons célestes ! Les jouissances refoulées des filles, elles, tombaient en extase, mais ce n’était pas toujours de l’extase et comme elles étaient soumises à leurs conjoints (dans certains cas, il s’agissait de cons joints), elles l’acceptaient ainsi. Que de résignation au nom de l’amour divin !
Avec mon Égyptien, j’ai découvert de nouvelles odeurs, celles du désert, des épices et du chameau. Il arrivait tout droit des pyramides, où il était chamelier. Avec lui, j’ai connu l’exotisme de son pays, du moins ce qu’il m’en a dit, tout en m’offrant au plus profond de mon ventre, son sceptre digne de celui des plus grands pharaons de la Vallée des Rois. J’aurais bien aimé le revoir plus longtemps, quand ça n’aurait été que pour me faire bercer par lui comme par un chameau.
Au fond de moi, j’espère toujours rencontrer un jour, l’homme dont je rêve, dont rêvent toutes les femmes qui le sont encore. Un homme qui sache autant donner que recevoir, qui sache comprendre la femme comme elle sait, elle, comprendre l’homme. Un homme qui ait besoin de délicatesse, de respect, de savoir-vivre dans sa vie, qui en ait surtout suffisamment besoin pour comprendre enfin que la femme aussi en a un besoin désespéré.