Citations sur Peurs en eau profonde (48)
L’acte commis par ce fou avait achevé de la dégoûter des hommes. Dans son esprit, il cristallisait tout ce qu’ils avaient de plus odieux. La certitude de leur puissance, de leur supériorité, le mépris qu’ils nourrissaient à l’égard des femmes, a fortiori quand elles étaient lesbiennes. Certains passaient à l’acte, les agressaient physiquement, quand d’autres se contentaient de les torturer mentalement. Le résultat était finalement le même. Ils étaient des prédateurs et elles des proies. Des proies qu’elle s’était donné pour mission de protéger, quel qu’en soit le prix.
— Ça va ?
— Pourquoi ça irait pas ?
— À toi de me dire.
— Je… Je pète le feu… man. Tout est sous contrôle.
Le grimpeur venait de reprendre pied sur le plateau. Il la jouait détendu mais respirait avec difficulté. Derrière le masque, son visage avait viré au gris.
— On dirait pas. T’as l’air d’avoir pris une grosse claque.
— Ben… tu te trompes… grand chef. Je… Je gère à fond.
Il ne gérait plus rien. Élocution traînante. Phrasé hésitant. Chaque mot semblait sorti d’un synthétiseur. Dans son regard, flottait un détachement que Jean connaissait trop.
— Tends ton bras.
— Quoi ?
— Tends-le, j’te dis.
Thomas s’exécuta. Sous l’épaisseur du gant, les doigts du Tek étaient parcourus de convulsions.
Plus une seconde à perdre. Il fallait le remonter en vitesse pour endiguer le processus.
— On dégage.
— Quoi ?
— T’es en train de perdre les pédales.
— Qu’est-ce… Qu’est-ce que tu me chantes ? J’t’ai dit que je me sentais… super bien.
— Et moi je t’ai dit qu’on dégageait.
Elle ne contemplait plus une œuvre de Michel-Ange. Elle était à l'intérieur.
Les morts, ceux avec lesquels on n'a pas pu faire la paix, marchent toujours à nos côtés. Ils surgissent dans les rêves, au détour d'une rue, en plein milieu d'une foule. Puis ils disparaissent et retournent au néant, laissant dans leur sillage l'odeur entêtante des remords.
dans la cabine, l’ambiance était muy caliente à peine 10 heures du mat et la moitié des passagers étaient bien mûr. Des jeunes pour la plupart, qui allaient s’offrir une semaine à Majorque dans des cages à poules bétonner avec pour seul objectif de tirer un coup et de se bourrer la gueule. Génération 2.0
Contre des criminels un tant soit peu organisés, il fallait s’appeler Sherlock Holmes pour obtenir des résultats.
— Quand est-elle morte ?
— Six semaines. Peut-être huit. L’examen clinique ne permet pas d’être plus précis. D’autant que le séjour en milieu aqueux fausse complètement la donne.
Là aussi, il faudrait attendre les résultats du labo. Grâce au dosage de certains minéraux, notamment le fer, la datation était devenue précise. Chloé se demanda comment faisaient les flics à l’époque où la technologie n’existait pas. Ils ne pouvaient compter que sur leur instinct, un sens aigu de l’observation et une capacité de déduction à toute épreuve.
Chaque coin de Méditerranée avait ses spécificités. Plancton, taux d’hydrocarbures, résidus de déchets urbains ou traces de sédiments dressaient la carte invisible de la géographie côtière. L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer intervenait sur toutes les enquêtes en milieu marin. Il saurait interpréter les données.
— Vous êtes sûr qu’elle s’est noyée ?
— Aucun doute. Les poumons étaient remplis d’eau. De plus, la couleur bleutée du derme est caractéristique de la cyanose. Cela signifie qu’elle était consciente au moment où ça s’est passé. Elle a dû s’essouffler en nageant, faire un malaise et boire la tasse avant de couler à pic. Elle doit avoir une cargaison de diatomées dans les tissus. L’anapath le confirmera.
La probabilité devenait une certitude. Les diatomées, ces algues microscopiques marqueurs d’une mort par submersion, enfonceraient le clou. En attendant, le visage boursouflé, les tissus gonflés et les doigts boudinés attestaient déjà les causes du décès. Le processus de décomposition, pourtant avancé, n’altérait pas cette réalité.
La commandante demanda, pour la forme :
— De l’eau de mer ?
— Oui. J’ai prélevé un échantillon et je l’ai adressé à l’Ifremer. Ils devraient pouvoir localiser la zone où elle a été inhalée
— Où en est-on de l’identification ?
— J’espère avoir les résultats de l’empreinte dentaire d’ici soixante-douze heures. Si tout se passe bien. Pour l’ADN, j’ai envoyé les échantillons à l’INPS. Ça prendra minimum une semaine.
— Tant que ça ?