Je ne me considère pas en fugue. Je n'ai pas quitté ma famille pour faire n'importe quoi, fumer des joints ou boire jour et nuit. Je suis partie pour exister selon mon idée, pour...tester mes principes de vie.
Mon amie est davantage en accord avec la nature qu'avec l'agitation des êtres. Moi je veux les deux. Laisser couler le vent sur ma peau et construire une nouvelle société en partage avec les humains.
Mes jambes gigotent, en pensée, je cours encore sur les chemins de branches jetées sur le sol détrempé. Mon souffle grimpe aux cimes des arbres. Depuis que je suis ici, j'ai besoin d'être toujours en activité et le repos m'ennuie. (...) Dormir ici est du temps perdu. C'est impossible. Trop intense d'être là. Tant d'étoiles aux nues quand le brouillard se déchire.
On court tous comme des fous, bondissant par-dessus les souches, s'accrochant aux buissons, avec une seule idée, s'échapper.
Je suis impatiente de me mêler aux volontaires de la ZAD, les zadistes, comme ils s'appellent. Des activistes qui résident ici et bâtissent sans répit qur la zone réservée par l'Etat pour contrer ce futur vieux projet inutile. Ils occupent les lieux, s'installent sur les terres dont les agriculteurs ont été expulsés et, avec eux, ils luttent pour sauver cette nature humide exceptionnelle de la destruction. Ils ne sont pas les seuls à penser que cet énième aéroport est superflu : sur place et en Europe, des organisations politiques les soutiennent. A l'heure des économies nécessaires de combustibles, de la sur-pollution de l'atmosphère, du manque d'eau, augmenter le trafic aérien, c'est aller droit dans le mur. C'est ce que je pense en tout cas.
La rage palpite en moi, comme une hirondelle en cage.
La rage palpite en moi, comme une hirondelle en cage.
Tac, tac, tac fait ma canne sur le plancher de la terrasse et c’est plus fort que moi, malgré l’âge, mon récent état de grand-mère, je m’imagine pirate sur le pont avant l’abordage.