- C’est une sacrée pression d’être parfaite, tu ne crois pas ?
Mais quelque chose avait changé en moi. Quoi? Je ne le savais pas encore. Tout ce que je savais, en définitive, c'est que je me sentais vivante pour la première fois depuis le jour de mes seize ans. Je n'avais aucune idée de l'endroit où se trouvait Cass, mais elle m'avait parlé. Ma sœur était sortie du pays des rêves pour venir à ma rencontre, tandis que, debout sur ma pyramide, à moitié endormie, à moitié chancelante dans ce monde en état de veille, je fixais les étoiles étincelantes et brillantes.
Ma soeur Cass est partie de chez nous le matin de mes seize ans en laissant mon cadeau, enveloppé dans un joli papier bleu, devant ma chambre et un mot destiné à mes parents sous la machine à café.
Et puis un jour, j'ai réuni toutes mes photos et je les ai accrochées aux murs, fixées autour de mon miroir, et même au plafond de ma chambre. J'ai observé chaque visage. Je les ai appris par cœur, en étudiant leurs expressions et leurs nuances. Désormais figés, ces yeux me regardaient : je pouvais lire tout un monde dedans, mais bien que fixés sur moi, aucun ne me regardait.
Il arrive que la lumière ou l’expression d’un visage soient parfaites, et qu’on ait la chance de les saisir, mais en général, c’est pur hasard. Je regardais tout le temps cette photo. Je me demandais quelles pensées cachait la fille que j’y voyais… Cette Catlin-là avait l’air tellement cool, assise sur les genoux de son mec et riant dans ses bras. En vérité, si ç’avait été n’importe quelle autre nana, j’aurais pensé que sa vie était parfaite, comme j’avais pensé que la vie de Cass chez nous l’était. Mais je comprenais que c’était trop facile de juger les gens sur les apparences