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Critique de fbalestas


Elle est toujours là, Susan.
Quoi qu'il arrive, que Sarah Bernhardt l'humilie ou la tolère, qu'elle se moque d'elle ou qu'elle l'ignore, qu'il faille l'accompagner en Amérique, ou subir les scènes que lui font ses différents amants, elle est toujours là, Susan.

C'est souvent le cas : derrière les grands hommes, la sagesse populaire dit qu'il y a toujours une grande femme. Et bien là, c'est derrière la célébrissime comédienne, que se cache la discrète Susan. Celle-ci restera une admiratrice éplorée, secrètement amoureuse, et n'en laissant rien paraître devant tous les hommes et les femmes qui se succèdent dans le lit de Sarah.

Et pourtant elle lui en fait voir de toutes les couleurs la grande tragédienne…

Petit rappel fourni par Wikipédia : « Appelée par Victor Hugo « la Voix d'or », mais aussi par d'autres « la Divine » ou encore « l'Impératrice du théâtre », elle est considérée comme une des plus grandes tragédiennes françaises du XIXe siècle. Première « étoile » internationale, elle est la première comédienne à avoir fait des tournées triomphales sur les cinq continents, Jean Cocteau inventant pour elle l'expression de « monstre sacré ».
Et on le voit dans ce roman jouer l'Aiglon dans son beau costume serré, jouer Phèdre bien sûr, mais aussi Jeanne d'Arc, ou bien d'autres rôles, parce qu'elle peut tout jouer, et surtout mourir à la fin, et provoquer les larmes des spectateurs avant de venir recueillir le triomphe du public : c'est simple elle peut tout faire.

Rien ne pourra l'arrêter.
Pas même la douleur à la jambe, puisqu'elle décidera de se faire amputer. Pas même la maladie qui devrait l'empêcher de se déplacer à jamais. Mais la grande Sarah Bernhardt ne s'avouera jamais vaincue. « Quand même » est sa devise, en référence à son audace et à son mépris des conventions, pour celle qui a une volonté de fer, que rien ne pourra jamais empêcher de jouer.
Et sa vie amoureuse est à l'avenant : aucun problème pour elle, à 70 ans, de s'afficher avec son amant trentenaire. Tandis que son fils Maurice lui capture toute sa fortune, lui qui n'a jamais levé le petit doigt pour travailler, et que sa petite fille Mado l'accompagne dans ses tournées, elle batifole, la tragédienne, sous les yeux de Susan, qui ne dit rien mais n'en pense pas moins.

Régine Detambel parvient à nous emporter dans le sillage de ce » monstre sacré », vu à travers les yeux de son admiratrice/accompagnatrice Susan et c'est très réussi. Elle nous restitue sa volonté de fer, son courage, ses obsessions mais aussi ses blessures, ses fêlures, et c'est très vivant.
Une scène particulièrement est saisissante : celle où, en tournée en Amérique à bord d'un train, le conducteur vient la prévenir qu'ils doivent traverser une rivière sur un pont qui menace de s'effondrer et que le risque est élevé que le train déraille et se retrouve au fond de l'eau. Qu'importe. Sarah Bernhardt ordonne qu'on avance, coûte que coûte, parce qu'elle doit retrouver son amant à New York et jouer le lendemain sur scène. Pas le temps de contourner l'obstacle : on y va. Susan, qui a tout entendu, tremble de tout son corps. Mais le train va passer, comme tout ce que tente la comédienne …

« « Il faut haïr très peu, car c'est très fatigant. Il faut mépriser beaucoup, pardonner souvent, mais ne jamais oublier. le pardon ne peut entrainer l'oubli ; pour moi, du moins » disait la grande Sarah.


Je suis une fan de Régine Detambel, qui est aussi kinésithérapeute et formatrice en bibliothérapie créative. Son premier roman portait un titre prémonitoire : « L'amputation ». Mais de nombreux récits ont trait aux douleurs du corps, comme « Son corps extrême » que j'avais bien apprécié.
Je vous recommande aussi « Petit éloge de la peau » - très pertinent – ou « La Splendeur », que j'avais chroniqué il y a déjà longtemps, et qui nous raconte la vie de l'histoire de Girolamo Gardano, mais raconté par son démon – un régal.

Régine Detambel est persuadée que les livres peuvent nous faire du bien, et je le crois volontiers.

Ici avec cette femme exceptionnelle, nous avons l'impression, en refermant « Sarah quand même » d'avoir approchée un tout petit peu la vie d'un monstre sacré et ça aussi : ça fait du bien.

Pour ma part je continuerai à suivre l'oeuvre de la bibliothérapeuthe avec toujours beaucoup d'intérêt, et je vous recommande d'ores et déjà chaudement la lecture de ce « Sarah quand même ».
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