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Citations sur Espace fumeur (73)

Le tabac, en plus d’incarner un ligament humain de la plus haute importance, en plus d’être le ciment de l’amitié et l’articulation de la conversation, initie à la générosité : il apprend à précéder autrui dans la formulation de ses désirs. Il enseigne à dépasser le don par la donation, à savoir par l’acte, gratuit, d’un don qui se soustrait pleinement à la logique de l’échange, d’un don qui, en retour, n’attend ni contredon ni même remerciement. Combien de fois, de nos jours, un fumeur offre-t-il une cigarette à un parfait inconnu qu’il ne reverra jamais ?
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Les moments de plaisir eux-mêmes doivent être récompensés, comme si leur volupté ne se suffisait pas. Mes erreurs aussi : car je m’y suis compromis, mais je les ai commises. À la vérité, le fumeur se récompense de ce dont personne ne songerait à le récompenser. Il se dédommage de vivre.
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Et la cigarette, qui n’était autrefois qu’une partie de ma vie, qu’une occupation parmi d’autres, devient un « système de récompense », c’est-à-dire une petite voix qui, toutes les vingt minutes, se rappelle à moi en m’arrachant à ce que je suis en train de faire pour m’offrir un bonus. Par son omniprésence, je me félicite des plus insignifiantes actions (finir un repas, ranger, prendre ma douche, achever la lecture d’un chapitre, discuter avec quelqu’un, partir en vacances).
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Non le dialogue de l’amoureux et du fumeur, mais bel et bien celui de l’amour et du tabac : celui de la fugue qu’ils impriment tous deux en l’homme. Dialogue en contrepoint, où chacun se réverbère dans l’autre, comme les deux mains d’un pianiste dans une fugue de Bach.
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« Je fume tellement, aurait-on pu écrire, que lorsque je n’ai que dix euros dans ma poche, et qu’il est l’heure de déjeuner, je préfère m’acheter un paquet de cigarettes plutôt qu’un repas chaud. Car manger sans fumer reviendrait à courir sans respirer. » Manger ou fumer : voici une alternative sensée.
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Le tabac comme porte du surnaturel ? C’est ce que suggère en effet un récit cariri. Ce mythe, que j’ai cité plus haut, évoque l’époque où « le démiurge vivait avec les hommes » dans une harmonie originaire. Mais au terme d’une dispute avec les mortels, ce dernier décida de n’habiter que le ciel. Les Indiens « supplièrent le Grand-Père (nom du démiurge) de descendre du ciel (…) et de revenir au village, mais il n’en voulut rien faire et leur donna le tabac pour tenir sa place. »
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J’aime ce mot qui dit comment elle a su profiter de chacune de mes faiblesses d’enfant, de ma timidité et de ma nervosité, de mon « vague des passions » adolescent, de ma tendance à la rêverie, de mon empressement à fuser vers le futur, de mon aversion pour l’ennui et de ma facilité à y sombrer – comment elle a donc ramassé mes faiblesses pour les neutraliser en les faisant perdurer. Elle ne les a pas guéries : elle les a rendues supportables pour les entretenir. Elle ne m’a rien fait surmonter mais, auprès d’elle, je cohabitais pacifiquement avec chacun des obstacles que ma personne contenait. Et moi, je naissais empreint des traces balisées par le fumeur que je deviendrais. J’étais (presque) fumeur, c’est-à-dire dans de beaux draps.
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Rien n’est plus dangereux, pour une civilisation, que l’émerveillement : la croyance, perlée d’exotisme, que les choses d’ailleurs lui sont étrangères – et qu’elles sont, par conséquent, incapables de réactiver sa mémoire ou d’agiter ses spectres. « Le tabac aime écouter les récits mythiques », prévenait Reichel-Dolmatoff.
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Le feu que j’introduirais en elle, elle me le transmettrait en retour, à tout le moins tant que la dépendance m’habiterait. Tant qu’elle filtrerait mes pensées à travers les lettres qui forment le concept brûlant de « dépendance ». Rien de plus sournois que le langage. Car les mots sont loin de décrire : ils agissent avant nous. Ce n’est pas seulement qu’ils nous précèdent. Ils sont la longueur d’avance que les dispositifs humains prennent sur l'existence.
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Ce sont les remontrances et les avertissements qui m’attachent à elle, bien plus que ses émanations. Ce sont les adultes, professeurs ou parents, qui accusent. La cigarette était une hésitation, elle devient une catégorie.
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