Je veux mouiller. Il y a l’eau des larmes et puis cette eau joyeuse, glissante, qui invite. Magie de cette mécanique, même pas sur volonté, juste quand le corps décide. Le sexe bâillonne ses angoisses, la rassemble tête corps. Sa géographie se bouleverse, son anatomie s’invente, ses contours fondent. À leur vitesse, ses cellules forment un cortège et s’avancent au même endroit pour faire un feu de joie. Elle ne sait jamais quand l’orgasme viendra, ni quel visage il aura, il explosera soudain, au détour d’une caresse, d’un geste, d’une pensée. Jamais de recette miracle ni de protocole. Elle sent juste quand l’orgasme est proche, tout proche. Après, difficile de ne pas se risquer à des métaphores de feu, volcans et artifices, ou mieux encore, la mèche de dynamite des dessins animés de son enfance, qui n’explose jamais quand on l’attend. Ensuite, quand les corps reposent, sa vulve palpite encore quelques secondes, ce deuxième cœur.
Mes amies et moi n'élevons pas nos enfants de la même façon selon qu'ils ont une forme de fille ou de garçon. Conscientes de ce qui se joue ici et maintenant pour les hommes et les femmes, on veut rebattre les cartes.
« Est-ce que j’élève mon enfant comme un garçon? Certes je ne lui interdit pas de pleurer et ne lui achète pas de mini-pistolet à pompe, mais je me méfie de ma complaisance face à son agressivité, à sa façon d’occuper l’espace, d’exiger. Une mission que j’aimerais au moins accomplir : qu’il sache entendre un non. »
Nous sommes tous fabriqués. C'est seulement quand on l'a reconnu que l'on peut s'inventer un peu. Rêver aux possibles. Un immense terrain de jeu où les rôles ne sont pas distribués à l'avance, et où les règles s'inventent à chaque rencontre. De ce film-là, j'ai hâte de voir la suite.
Je souris moins aujourd'hui. Non que j'aie perdu en gaieté mais parce que je ne cherche plus d'emblée à avoir l'air charmante et inoffensive. Et je m'excuse moins. Avant, je m'excusais à tout bout de champ, en souriant donc, désolée par-ci désolée par-là, au cas où, pour lustrer. S'excuser, la maladie des femmes.
Elle ne s'aime tellement pas qu'elle se méfie de ceux qui s'intéressent à elle, leur reprocherait presque leur faute de gout.
Personne ne leur a dit qu'on pouvait être violée par un amoureux, un homme avec qui on partage son lit depuis des années, un ami d'enfance, ou ce garçon qu'on désirait tellement en début de soirée. Comment se défendre si elles ne parviennent pas à nommer ce qui est arrivé? Et puis elles pensaient qu'elles se débattraient, elles aimeraient dire qu'elles ont crié, cogné, griffé, mais tout s'est tassé en dedans, la sidération est une autre forme de violence, celle de se découvrir muette quand il faudrait hurler. Quand le corps a peur, il se tait, c'est sa façon de survivre. Et ce sont encore elles qui se battent des années plus tard avec ce souvenir qu'elles ignorent être en droit d'appeler viol.
« On aurait voulu que ce soit la seule chose pas programmée, justement. Que notre désir échappe aux agendas, qu’il soit sauvage. Que le sexe s’invite, s’impose, bouscule le programme. Le bon sexe, celui qui surgit. Comme avant, se jeter l’un sur l’autre, laisser la peau décider. »
Que les femmes parviennent encore à désirer, leur désir pas complètement éteint, pas cramé à force de faire d'elles des objets, cela tient du miracle. Moi aussi, je désire encore, au milieu des ruines. Mais pour combien de temps ?
« J’ai cessé de confondre mon désir avec celui des autres. Ce n’est pas toujours facile. J’ai tellement eu l’habitude de faire plaisir, de ne pas décevoir les attentes, de considérer ce qui serait moral… Il m’arrive encore de me noyer. J’ai besoin de m’arrêter quelques secondes et de me poser la question : qu’est-ce que tu veux, toi? Je laisse alors retomber ce qui trouble mon eau et j’extirpe mon désir à mains nues. »