Citations sur La condition pavillonnaire (123)
Puisque c’était cela, fonder une famille ; devenir reine et esclave à la fois ; avoir constamment le souci des autres, adultes comme enfants (…) ; mettre son corps au service du bon fonctionnement de la machine familiale, pieuvre dévorante dans laquelle toute la personne de M.A. s’était fait avaler, toute sa personne manipulée par les tentacules de la bête, qui tour à tour demandait un biberon, un conseil, où est passé le puzzle et qu’est-ce qu’on mange ce soir ma chérie.
Nous ne nous apercevons que tardivement, à l'occasion d'un événement précis, de ce qui change lentement chaque jour dans nos corps et dans nos sociétés; et, bouleversés par cette découverte, elle nous paraît une déflagration.
M.A n'avait pas compris que ce qui remplit la vie est le mode d'être, le présent de la phrase dans laquelle on respire, non un événement placé dans le futur et qui, après consommation de lui-même, nous laisserait déçus devant un frigidaire
M.A. n’avait pas compris que ce qui remplit la vie est un mode d’être, le présent de la phrase dans laquelle on respire, non un événement placé dans le futur et qui, après consommation de lui-même, nous laissera déçus devant un frigidaire.
De ce mariage, il est resté une photo officielle, longtemps posée sur la commode de votre chambre, tel un petit radiateur sentimental réchauffant ton quotidien.
Ça t'étonnait de reprendre des expressions de ta mère ; être le dindon de la farce, se faire manger la laine sur le dos, ne pas tomber de la dernière pluie...
Tu reprends un air boudeur, un air de princesse pour refuser les nouilles beurrées.
— Tu critiques tout ! On verra bien quand tu seras aux fourneaux.
Disait la mère.
— Sans compter qu'un mari ça s'attrape par le bas-ventre, mais ça se garde par le ventre...
Disait le père.
Bientôt tu seras protégée de toute cette vulgarité. Tu viens d'avoir le bac. Mention bien. Aussi dépasses-tu tes parents, prends-tu une voie qu'eux-mêmes n'ont pas pu prendre dans leur jeunesse ; eux qui n'ont travaillé que dans le secrétariat et le petit patronat, qui ont mis de l'argent de côté pour toi et conçu un unique enfant en souvenir de la pauvreté : cette enfant va monter d'un cran. Ils le voient dans ton regard, ce filet de mépris lié à ton ambition.
Les invités, ce sont des bruits de chaussures claquant sur le carrelage, des bonsoirs qui résonnent, d'autres leur répondant, ce sont des visages qui entrent et qui se touchent, des corps qui entrent refroidis par la température extérieure, portant parfums, bouquets de fleurs, bouteilles de vin qu'on met dans tes bras.
"Car c'est une erreur de croire que les années apportent une amnistie, jusqu'au bout les désirs, l'imagination et les angoisses continuent à creuser leur chemin dans le soubassement de nos vies." "Combien il était difficile pour toi par exemple de regarder dans le miroir la vieille femme que tu étais devenue. Toi qui avais été si belle , tes yeux enfoncés dans leur orbite désormais te faisaient peur......"
A mi-tasse, la couleur sombre du café devenait légèrement translucide, un cercle de lumière apparaissant dans la profondeur du liquide, et la crème beige, au début homogène, se disloquait en archipels de taches dérivant vers les bords.