Nourrir les fils le jour, nourrir l'époux la nuit, et qu'ils puissent tous boire la lumière du vaste jour! Les nourrir inlassablement, les nouer irrémédiablement pour maintenir nos rênes invisibles. Là aboutit notre destin d'enfanter dans le vide de l'enfermement.
Ces femmes essayaient-elles d'adoucir leur destin aride grâce au miel des gâteaux de semoule, au rituel des serviettes brodées à la main que l'on se passe, au parfum du café sur la qualité duquel les discussions se développent à l'infini?
Ici sur cette terre, on vous tue en vous enfermant derrière des murs et des fenêtres occultées. A peine fais-tu le premier pas au-dehors que tu te sens exposée. Là-bas, personne ne regarde, personne n'a vraiment d'yeux!
Toutes laissent entendre, te semblait-il, que la vie de femme commençait comme une fête ? Une fête brève, que suivait certe la soumission aux inévitables tristesses!... mais quand s'annonçait donc l'allégresse, quand goûtait-on l'ivresse, même réduite à une seule journée ?
Sitôt libérées du passé, où sommes-nous ? Le présent se coagule. Sourire fugace du visage dévoilé ; l'enfance disparue pouvons-nous la ressusciter, nous, les mutilées de l'adolescence, les précipitées hors corridor d'un bonheur excisé ?
«Hammam, comme un répit ou un jardin immuable. Le bruit d'eau supprime les murs, les corps se libèrent sous les marbres mouillés» (p 212).
«Un homme ivre a le droit de dériver, mais une femme qui va «nue» , sans que son maître le sache, quel châtiment les transmetteurs de la Loi révélée, non écrite, lui réserveront-ils ?» (p 132