Ecrit en 1987
Le roman d'
Assia Djebar,
Ombre sultane , poursuit la recherche entamée avec l'Amour fantasia, cette fois-ci plus du côté des femmes du quotidien que de l'histoire.Roman de la “sororité”,
Ombre sultane et par bien des aspects déroutant. Isma a choisi une autre femme à son mari, dont elle est séparée, Hadjila-Meriem sa fille va vivre avec sa mère, mais Nazim né d'une Française a adopté Hadjila. L'homme, le mari n'est jamais nommé. Il est l'amant pour lequel la femme retrouve gestes d'amour et de tendresse mais surtout le maître, celui qui soumet la femme à ses exigences. Cette soumission engendre une révolte intérieure toute contenue en apparence. Une problématique du dedans et du dehors se déploie avec subtilité autour de ces deux femmes. La sororité est bien difficile à éclore, “arrivée à ce point du récit, une violence me saisit de mélanger ma vie à celle d'une autre. Tout corps masculin sert-il à signaler, le carrefour vers lequel aveuglées, nous patinons, bras tendus l'une vers l'autre”. le thème de la “nudité” revient encore une fois organisé autour des sorties qu'Hadjila fait à l'insu du mari. Pourtant cette complexité des femmes existe depuis les temps les plus anciens, transmise par la culture. Dans Les mille et Une nuits,
Assia Djebar, cette fois, invitée à une autre lecture, c'est Dinarzade qui prend le pas sur Sherazade,celle qui écoute et qui veille car elle ne peut partager l'homme, elle ne peut être rivale. Pour que s'accomplisse cette sororité, il faut un relais de femmes, porteuses de voix, un récit intimiste avec ses murmures et sa violence : la narratrice s'implique totalement, nous invitant parfois à la confusion entre Isma et l'auteur, par bribes autobiographiques. C'est du dedans que les femmes sont vues, sans idéalisation avec leurs élans, mais aussi leurs soumissions et leurs résignations. Dans l'Amour, fantasia, dans Femmes d'Alger, la narratrice essayait d'éveiller dans les récits historiques ou dans les tableaux orientalistes la signification, de la gestuelle féminine. Ici, elle se fait geste elle-même;, pénétrant d'une degré de plus dans la chaîne féminine. le texte se termine par l'angoisse de ne pas parvenir à être : “Ô ma soeur, j'ai peur moi qui ai crue te réveiller, j'ai peur que toutes deux que toutes trois, que toutes excepté les accoucheuses, les mères gardiennes, les aïeules nécrophores nous nous retrouvions de l'Orient”, ce lieu de la terre où si lentement l'aurore a brillé pour nous que déjà, de toute part, le crépuscule vient nous cerner”.
En perspective un passionnant Roman.